Yield, sans doute le mot le plus usurpé dans l’hôtellerie
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Dans le petit monde de l’hôtellerie, tant côté hôteliers eux même dont beaucoup ont peur d’être « has been » s’ils ne le citent pas, que du côté des fournisseurs qui en connaissent pourtant - enfin espérons-le - la signification, rien de tel pour être « aware » que de citer le mot « yield » et le conjuguer à toutes les sauces, sauf dans sa version littérale.
Côté hôtelier, quand on met à jour ses extranets, on « yielde ». Quand on change de prix, on « yielde ». Quand, oh suprême satisfaction, on ajoute un MLOS (Minimum Length Of Stay ou minimum de séjour), on atteint le summum de l’extase linguistique.
Côté fournisseur de service ou de technologie, on a trop souvent assimilé le fait de jouer sur les variables prix/quantité/conditions au yield, en occultant la dimension de la prévision. Enfin certains mettent quand même le nez dehors pour sentir le sens du vent :).
Kézako
Il ne manque pas de sites ou de forums parlant du yield, chacun ayant généralement sa propre définition ou sa propre mise en application du mot. Pour faire très simple et synthétiser les idées clés, le yield management ou RM (Revenue Management) tel qu’il est pratiqué et enseigné consiste en plusieurs points :
segmenter sa clientèle
anticiper son niveau d’occupation
mettre en place des offres (contenant des contraintes) qui vont permettre de répondre au maximum de clients définis pour la date donnée, dans l’objectif d’en perdre le moins possible
Pour anticiper son niveau d’occupation, les systèmes de yield professionnels tels qu’on les connaît dans l’hôtellerie intègrent :
l’analyse de l’historique des années précédentes
l’analyse des évènements internes
l’analyse de la montée en charge
l’analyse de l’environnement : météo, congrès, évènements sportifs ou culturels, vacances... enfin tout ce qui peut avoir un impact extérieur sur l’abondance ou à contrario la pénurie de client
Postérieurement à cette analyse, viennent :
une phase de recommandation. Le cœur du système est basé sur des algorithmes de probabilité
puis éventuellement une phase de transmission des recommandations au PMS et/ou au channel manager
Le leitmotiv du yield pourrait se résumer en « Think global, act local » : c’est en ayant une vue globale qu’on peut agir avec pertinence sur chaque canal.
Depuis quelques années à peine, certains systèmes prennent en compte les tarifs et disponibilités des concurrents sur leur zone de chalandise : un robot va relever ce qu’il peut (prix évidemment, mais également dispos ou inclusions/conditions) sur des OTAs afin de pouvoir comparer des produits équivalents : chambre standard comparée à chambre confort, suite comparée à suite... Quand le relevé robotisé intègre un semblant d’exhaustivité car incluant une vraie et longue liste d’OTAs, il est pertinent. Quand le relevé se contente d’un ou deux OTAs, il est « light » et en tous cas non représentatif.
Les avis des clients et les notations sont à ce jour très largement ignorées alors que leur rôle dans le choix d’un hôtel est prépondérant. Dommage !
Aussi importante soit la part de clientèle réservant par les OTAs, se baser uniquement sur ce segment, ou disons plutôt cette famille de segments, ne peut en aucun cas être représentatif de l’ensemble des segments ni de l’ensemble des offres. Quid des clientèles, notamment professionnelles, à tarifs négociés ? Quid des grossistes ? Quid des clients qui ne rentrent pas dans les cases car utilisant encore ce bon vieux téléphone ? Quid des clients attendant l’ultra dernière minute et utilisant des outils trendy comme VeryLastRoom ? Quid des hôtels monitorés mettant de très petites quantités de stock à la vente et qui servent pourtant à étalonner son propre hôtel ? Quid des...
Le cas Pricematch
C’est pourtant ce créneau que tente d’exploiter une toute jeune société appelée Pricematch. Créée par quelques étudiants de SciencesPo, cette junior-entreprise a vocation à devenir LE yield simple simpliste des hôtels. Aujourd’hui Pricematch relève ses tarifs sur deux OTAs, en l’occurence Booking et Expedia. Même s’ils (Booking/Expedia NDLR) sont très puissants à Paris, ils ne représentent pas l’intégralité du marché. Ces relevés associés à une couche algorithmique maison et tenant compte des évènements et de la météo lui permettent d’optimiser les tarifs sur ces deux seuls canaux et aucun autre. Point barre.
Côté PMS, Pricematch récupère des disponibilités de quelques PMS auxquels ils sont interfacés, disponibilités généralement filtrées par le PMS. En s’interfaçant à des channel manager comme Availpro, Pricematch transmet ses consignes tarifaires de la même manière qu’un moteur envoie sa puissance aux roues grâce à la transmission, mais uniquement pour les canaux web.
Pricematch promet une augmentation des revenus pouvant atteindre 5 à 10 %, cette augmentation étant directement proportionnelle à la dépendance de ces hôtels à Booking et Expedia. Autrement dit, un hôtel dépendant peu de ces deux ogres aura peu à attendre de Pricematch. Dans ce contexte on pourrait légitimement se demander si le service ne devrait pas être pris en charge par Booking et Expedia dont le revenu est directement proportionnel aux prix pratiqués par l’hôtel. Pourtant ce sont aujourd’hui les hôteliers qui paient 6 à 10 € par chambre et par mois à Pricematch.
En fait, Pricematch est concurrent direct de sociétés qui aident souvent manuellement les hôteliers à gérer leurs ventes en ligne comme Xperteo ou Wym, à la différence que ces sociétés gèrent d’autres canaux que Booking et Expedia, permettant à leurs clients de répartir le risque au lieu de le concentrer.
Il est à espérer qu’à l’avenir Pricematch prendra en compte non seulement l’intégralité de la consistance du planning de réservations mais également les autres canaux. Encore faut-il que les PMS stockent bien et surtout lui transmettent TOUTES les données.
Et les autres ?
Pendant ce temps, des logiciels complets comme EasyRMS (groupe Infor) émettent des recommandations basées une véritable vision globale vis à vis de l’intégralité des canaux. Ces logiciels de yield - on peut également citer Ideas - offrent non seulement des moyens d’optimiser les revenus, mais surtout de ne pas se placer ou demeurer en position d’hyper dépendance. Ces solutions récupérant TOUTES les données du PMS, notamment sur les statuts en TEMPS REEL des réservations, ont une véritable vue globale de l’établissement. Sans doute sont-ils un peu plus chers que Pricematch, mais le résultat est également plus pérenne car accompagné de formations qui modifient à long terme le comportement des équipes de vente. Avec ces solutions on peut très raisonnablement espérer un gain compris entre 5 et 10 %.
Conclusion
Si la vulgarisation du mot « yield » sous-entend que de plus en plus d’hôtels sont équipés de systèmes puissants avec une véritable vision globale, alors banco, allons-y. Si la vulgarisation du mot « yield » sous-entend voir d’un seul oeil, alors il y a usurpation manifeste de vocabulaire.
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