Résultats 3e trimestre 2016 : tiercé Priceline-Expedia-TripAdvisor largement et à nouveau emporté par Expedia avec 2 fois plus de croissance que Priceline
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Comparer les résultats des mastodontes du voyage d’un trimestre à l’autre peut paraître inutile. Ceci permet néanmoins de dégager des tendances et de confirmer les tendances des périodes précédentes...
Les chiffres d’affaires des 9 premiers mois de l’année
Expedia poursuit sa courbe de croissance avec 34,3 % de CA en plus sur les 3 trimestres 2016 en comparaison à la même période 2015, soit +1,7 Mds de $, à comparer au +16,2 % et +1,2 Mds de $ de Priceline.
TripAdvisor voit ses pertes de chiffre d’affaires s’atténuer à seulement -1,6 % et -19 M€.
Leurs charges sur 9 mois
Rien de neuf par rapport au 1er semestre 2016 : Expedia et Priceline dépensent la même chose en Sales & Marketing, comme en 2015 d’ailleurs, sauf que de 52,1% de son CA en 2015, Expedia a descendu ce taux à 50,9 % alors que chez Priceline on est passé de 36,9 % en 2015 à 39,5 % en 2016.
Côté technologie, Expedia dépense 330 M€ de plus qu’en 2015, Priceline +23 M€ et TripAdvisor +33 M€.
Analyse des revenus sur 9 mois
Rien de neuf par rapport au 1er semestre 2016 :
- Priceline dépend essentiellement de son modèle agence, donc de Booking.com.
- Chez Expedia, on voit que Trivago pèse de plus en plus lourd, 654 M€ sur 6,7 Mds de $, ce qui posera donc un problème à Expedia si le spin-off se fait réellement (cf. infra).
- Chez TripAdvisor, les hôtels génèrent 80,7 % du CA, soit 939 M$ sur 1,16 Mds de $
Au 1er semestre 2016, on pouvait s’interroger sur la capacité d’Expedia à transformer des dépenses de marketing en revenus. Le 3e trimestre étant toujours le plus fort, on peut dire qu’Expedia a réussi
Mais au fait ça fait combien de revenu par hôtel ?
Facile chez TripAdvisor sui diffuse 1.880.000 hébergements dont 1.050.000 hôtels, le ratio est de 499,47 $ par hébergement pour 9 mois (593,49 $ en 9 mois 2015), soit 55,50 $ par mois. Belle rente…
Chez Priceline, on ne connaît pas la répartition entre les 3 métiers hébergement, transport et location de voiture. On sait néanmoins que Priceline diffuse les offres de 1.042.000 hébergements dont 517.000 locations de vacances (49,6 %). Si on fait un calcul bête du CA divisé par de million d’hébergement, on obtient 8.056 $ en 9 mois soit 895 $ par mois, sauf que ce calcul est totalement faux.
Même problème chez Expedia qui diffuse « seulement » 321.000 établissements.
Côté nuitées, Priceline a vendu 427 millions de nuitées, soit 2,3 fois plus qu’Expedia (184,6 millions de nuitées).
Côté volume d’affaires : 56,3 Mds de $ chez Expedia (+26 % par rapport à 9 mois 2015) versus 53 Mds de $ chez Priceline (+22 % par rapport à 9 mois 2015). La marge paraît meilleure chez Priceline mais elle est essentiellement mono-produit, d’où un risque…
A quoi s’attendre chez Expedia
Le processus d’entrée de Trivago au Nasdaq est acté et on parle d’une recherche de 400 M$ de capitaux frais alors que les experts tablaient sur 1 milliard de $ (cf. cet article de VentureBeat).
Si Trivago sort de la galaxie Expedia, ce qui est aujourd’hui prématuré de confirmer ou d’infirmer, Expedia s’expose à une amputation d’environ 10 % de son CA.
Néanmoins, on se rend compte que la stratégie de diversification du chiffre d’affaires est dans l’ADN d’Expedia. Expedia a d’ailleurs largement mis en place ses offres publicitaires en lieu et place de son métier d’achat-revente natif d’OTA. Il est peu raisonnable de penser qu’Expedia va lâcher son métier d’OTA, néanmoins Expedia se positionne de plus en plus en partenaire multi-cartes des hôtels. Le clivage réservation directe vs. indirecte est celui d’un autre âge. Il devient de plus en plus évident et pragmatique de transformer des « lookers » en « bookers » en se servant de tous les moyens disponibles, les OTAs étant un des canaux d’acquisition, y compris et surtout quand le coût d’acquisition n’est pas à la commission.
Côté Egencia, le volume d’affaires et le chiffre d’affaires progresse d’environ 22-23 %. Voici ce que nous disait récemment Christophe Peymirat, Chief Commercial Officer Egencia Monde, dans une interview exclusive à propos de la nouvelle organisation d’Egencia :
« Nous avons voulu simplifier en créant 2 nouvelles organisations fonctionnelles. De mon côté en tant que Chief Commercial Officer, je dirige notre activité commerciale au niveau mondial. L’autre organisation est chapeautée par Mark Hollyhead, Chief Operations Officer. Il dirige notre activité service client et relation fournisseur aussi au niveau global. Avant la réorganisation, ces deux fonctions étaient gérées de façon régionale. Pour nos partenaires hôteliers, cette nouvelle organisation nous donne une meilleure cohérence globale tout en nous permettant de garder une approche locale. Cette nouvelle organisation a pour but de maintenir notre croissance et de nous aider à continuer à prendre des parts de marché. Ayant de nombreuses PME dans notre portfolio, Egencia permet ainsi aux hôteliers d’atteindre ce segment de voyageurs d’affaires. ».
A la question concernant la compétitivité d’Egencia face aux HBAs, voici sa réponse :
« On voit la compétition se muscler mais notre volume hôtel est toujours en forte croissance non seulement grâce à l’inventaire proposé, mais aussi grâce à la compétitivité de nos tarifs et du focus d’Expedia sur ces sujets. Nous sommes attentifs à l’évolution de nos concurrents mais nous sommes confiant quant au positionnement de notre offre et des solutions de réservation online / offline et mobile que nous proposons. Nous ne prenons pas de commissions sur les tarifs négociés afin de permettre à nos partenaires de pouvoir négocier le tarif le plus attractif pour nos clients. Les tarifs négociés sont effectivement l’une des manières dont les hôtels peuvent augmenter leur compétitivité tout en satisfaisant les besoins de nos clients.
De notre côté, pour rester compétitif dans le secteur des Travel Management Companies (TMC), nous accompagnons nos clients à travers des services de conseil. Par exemple, nous les accompagnons de près sur de nombreux projets de gestion du changement. En mettant en place un programme de voyage efficace, ils ont une meilleure visibilité sur leurs dépenses. Ce programme les aide aussi à mettre en place une politique cohérente en fonction de leurs besoins. Ils ciblent ainsi mieux les hôtels dont ils ont réellement besoin qui les amène à effectuer des séjours réguliers sur ces hôtels. Ce sont typiquement des services que nous proposons via notre service conseil. ».
Christophe Peymirat soulignait enfin le programme Egencia Preferred qui permet aux hôtels de proposer des services exclusifs aux voyageurs d’affaires (wifi, petit déjeuner, parking et même le repas du soir) et d’augmenter ainsi leur visibilité de cette clientèle.
Cette stratégie conforte donc le fait qu’Egencia est un concurrent direct des TMCs et pas vraiment celui des HBAs ni d’un HRS.
A quoi s’attendre chez Priceline
On constate l’hyper dépendance de Priceline vis-à-vis de l’hébergement dans un monde technologique qui change et dans lequel l’intelligence artificielle pourrait bien rebattre les cartes. Il est difficile de croire que personne n’a compris ça chez Priceline, néanmoins on a déjà vu des géants du net redescendre sur terre...
Côté paiements, Booking annonçait récemment le lancement d’un service de carte de crédit virtuelle sur certains plans tarifaires, avant de supprimer le service chez certains hôteliers. Contactée à ce propos depuis plus de 2 mois, l’agence de presse de Booking a tout fait pour gagner du temps avec des conférences téléphoniques planifiées puis annulées, avant de refuser catégoriquement de répondre. C’est loin du discours du changement que nous promettait Booking il y a à peine quelques mois. #cartonrouge
On se souvient de la passoire Booking qui laissait passer des réservations bidon, essentiellement pour obtenir un Visa, mais avec de fausses cartes de crédit. En se plaçant entre le client et l’hôtel, c’est Booking qui assume désormais ce problème avec cette fonctionnalité de VCC. Comme disent les hommes de loi « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (« nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » pour ceux qui ont oublié le latin)...
A quoi s’attendre chez TripAdvisor
TripAdvisor et ses filiales, notamment LaFourchette, continuent à acquérir des startups sans pour autant redresser la courbe de croissance du chiffre d’affaires ni celle des bénéfices.
On peut s’extasier des micro-évolutions de TripAdvisor, ces cacahuètes qu’on jette par dessus la grille pour détourner l’attention, par exemple la gestion des profils, mais l’essentiel subsiste : TripAdvisor est une passoire qui a impérativement besoin de toujours plus de contenu sans forcément le transformer en augmentation de CA. Etrange de la part de cette société qui a pourtant été l’une des premières à comprendre l’intérêt des réseaux sociaux après sa génialissime idée de création, hélas dévoyée par un mercantilisme primaire.
Vive le nouvel intrus, Airbnb
Airbnb vient d’annoncer le lancement de Trips qui place l’hôte au cœur du séjour et surtout de l’expérience de l’utilisateur. On entre dans l’ère de l’hyperpersonnalisation du séjour, encore un sujet sur lequel les hôteliers ont dans leur immense majorité loupé le coche.
Même le lourdaud TripAdvisor se fait griller la politesse. Pourquoi lourdaud ? Visiter le site le TripAdvisor c’est se retrouver des années en arrière avec des popups (vite oubliée la promesse d’abandon des popups), des publicités dans tous les sens, des écrans hyperchargés, une obligation (contournable) d’être identifié pour accéder à tout le contenu... En face, Airbnb est presque épuré, simple, mais diablement efficace et observateur de nos moindres mouvements de souris ou comportements de navigation. Quant aux outils de communication, ils sont simples, efficaces et multicanaux.
Le problème avec Airbnb c’est que ses résultats financiers ne sont pas publics et ne sont pas communiqués spontanément non plus. Faire traîner l’entrer en bourse ne va pourtant pas marcher longtemps…
« Avec Airbnb, on est donc dans l’ère de « tout le monde est l’expert de quelqu’un d’autre ». - Cliquez pour tweeter cette citation
Vouloir lutter contre est une hérésie. Par contre il est de plus en plus urgent de sortir des positions dogmatiques et il est urgent de trouver un moyen de rééquilibrer la concurrence, mais surtout la sécurité des consommateurs. On ne peut pas dire que les programmes politiques pour la présidentielle française abordent ce changement crucial de consommation qui dépasse largement celui de l’hôtellerie et de ses professionnels assis sur un quasi-monopole à l’instar d’autres professions comme les taxis ou les notaires…
Nombreux sont les hôteliers à posséder une résidence secondaire et à la mettre en location sur Airbnb ou site équivalent. C’est dans l’air du temps et c’est un modèle de développement durable avec une meilleure exploitation des ressources. Ce qui est pathétique, c’est de mettre un masque de fervent anti-Airbnb dans son propre pays, alors qu’on loue en loucedé sa résidence secondaire sur Airbnb dans un autre pays. Peppone le maire communiste notoirement anticlérical qui parlait à la Vierge Marie (qui lui répondait d’ailleurs) nous faisait bien rire alors que ce type de personnage public officiellement anti-Airbnb fait pleurer et décrédibilise tout le discours des hôteliers. #faiscequejedispascequejefais
Conclusion
Le temps de la discussion sans fin (et sans faim) à propos de la réservation directe ou sans commission est révolu : faire venir un client coûte de l’argent et tout bon chef d’entreprise a pour devoir d’une part de diversifier ses sources d’approvisionnement et d’autre part de savoir faire la part des choses entre la vente et le marketing :
- Vendre doit se faire logiquement au meilleur prix possible pour CETTE date à CET instant et CE client.
- Faire du marketing signifie se mettre en valeur, se faire connaître du plus grand nombre et être repéré. Associer un ROI instantané au marketing, c’est faire une erreur de débutant...
Quant à la réservation à coût zéro, on pourrait comparer ses ayatollahs à des (charlatans) vendeurs de potion miracle : la réservation gratuite n’existe plus, c’est fini. Y croire, c’est repousser l’inévitable comme a pu le faire Steve Jobs avec son cancer soigné par... des jus de fruits !
Ces mastodontes du voyage sont là et pour longtemps. Si l’un entre deux venait à disparaître, il serait rapidement remplacé car l’économie a horreur du vide. Penser que les hôteliers vont savoir combler ce vide en pleine accélération de la technologie est juste utopique. Le train est passé !
Les trains suivants sont en train de passer, celui de la relation client-hôtelier et il est plus que temps de s’y atteler, en attendant que l’intelligence artificielle ne vienne rebattre les cartes et imposer de nouveaux modes de consommation.
Le truc hallucinant, c’est que ces mastodontes sont tous côtés en bourse (sauf Airbnb) et qu’il est donc facile d’en devenir PRO-PRI-E-TAI-RE. TripAdvisor recense 1 million d’hôtels dans le monde. La valorisation de Priceline de 75 Mds de $ (source NASDAQ), c’est 75.000 $ par hôtel, le prix de construction d’une ou deux chambres... La capitalisation d’Expedia, c’est « seulement » 19 Mds de $ (source NASDAQ)... Allez, 100 k€ chacun et la boucle serait bouclée !
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