Résultats 1er semestre 2016 : tiercé Priceline-Expedia-TripAdvisor largement emporté par Expedia avec +35% de CA chers payés

Tweet |
L’analyse des résultats financiers des trois mastodontes du tourisme mondial, enfin disons deux mastodontes professionnels et un apprenti qui rame, permet de distinguer de vrais mouvements. Impossible de comparer avec eDreams Odigeo qui au 2d trimestre 2016 a réalisé 25,6 M€ hors-vol, bref pas de quoi rivaliser...
Leurs chiffres d’affaires du 1er semestre 2016
Au niveau des chiffres d’affaires, la plus forte progression émane du groupe Expedia avec +35 %, soit +1,06 Mds de $ de CA supplémentaire, passant de 3,03 à 4,1 Mds de $.
Chez Priceline, la croissance a été de +0,6 Mds de $, soit +14 %, le CA semestriel s’établissant à 4,7 Mds de $. L’écart entre Priceline et Expedia diminue : il passe de 26,3 % d’écart au 1er semestre 2015 à 12,8 % au 1er trimestre 2016.
Côté TripAdvisor, c’est la bérézina avec une diminution du CA de 3,3 %, soit -25 M$. Avec ses 743 M$ de CA, TripAdvisor pèse seulement 15,8 % du CA de Priceline ou 18,1 % de celui d’Expedia.
Leurs charges du 1er semestre 2016
Difficile de pouvoir comparer les dépenses entre ces entités car leurs comptes de résultats ne détaillent pas les données de manière comparable et ne permettent pas forcément de connaître le revenu issu de chaque vertical (hôtellerie, aérien, location de voiture, activités...).
Chez Expedia et Priceline, les dépenses marketing et technologie sont équivalentes en pourcentage (+2 % en technologie chez Expedia). TripAdvisor a fait passer son marketing de 45 à 50 % de son CA et sa technologie de 12,9 à 16,6 % de son CA, tout ça pour perdre du CA...
Néanmoins, Priceline donne des détails sur les dépenses Sales & Marketing : sur 1,95 Mds de $ de Sales & Marketing, 1,7 Mds de $ sont consacrés au « performance advertising » (mots clés Google et métamoteurs) en augmentation de 22 % par rapport au S1 2015. Par contre côté « Brand advertising » (marketing de la marque), les dépenses ont diminué de 65 % passant de 151 M$ à 53 M$. Au final, le poids Sales & Marketing a augmenté de 13 %, ce qui est très proche de l’augmentation de CA.
Avec 1,5 % de son CA consacré à sa technologie, Priceline est de très loin le plus économe sur ce qui constitue pourtant son fonds de commerce...
Analyse des revenus du 1er semestre 2016
Chez Priceline, les 4,7 Mds de $ se répartissent en 3 lignes :
en milliards de $ | S1 2016 | S2 2015 | ∆ en % |
Agency revenues | 3,353 | 2,782 | +20,5 % |
Merchant revenues | 0,987 | 1,041 | - 5,1 % |
Advertising & other revenues | 0,363 | 0,299 | +21,5 % |
Total | 4,704 | 4,121 | +14,1 % |
La ligne « Advertising & other revenues » correspond :
- à une partie des revenus de Kayak non liés à la performance : liens vers les offices de tourismes et professionnels,
- aux revenus d’OpenTable,
- aux revenus publicitaires de Priceline
- aux revenus de BookingSuite
Chez Expedia, c’est toujours plus compliqué avec d’une part de nouvelles filiales et d’autre part des filiales ou participations sortantes. Ces cessions pèsent d’ailleurs pour 130 M$ d’écriture négative de CA en 6 mois. Trivago est passé de 262 M$ à 377 M$, soit +41 %, la plus forte progression interne.
Chez TripAdvisor, la poule aux œufs d’or reste l’hôtellerie : 619 M$ sur 743 M$ viennent de l’hôtellerie, soit 83 %. Au 1er semestre 2015, l’hôtellerie pesait 86 %. Quand on regarde les très nombreuses acquisitions de TripAdvisor au cours des dernières années, la dernière étant CityMaps en août 2016, on constate une forte volonté de croissance externe. On peut lire ça et là des « explications » du pourquoi et du comment alors que la seule motivation des dirigeants de TripAdvisor est d’augmenter le CA et rattraper le niveau de bénéfices de ses débuts, pas de satisfaire tel ou tel client. Pour le dire autrement, si vendre en ligne des carottes ou du wifi paraissait être très rentable, TripAdvisor le ferait !
Analyse des résultats du 1er semestre 2016
Etant donné que ce sont des résultats semestriels, il est difficile de savoir si la tendance amorcée se confirmera en fin d’année. Sachant que le meilleur trimestre est historiquement le 3e trimestre, celui qui englobe les vacances d’été, il est évident qu’une partie des dépenses publicitaires du 2d trimestre vont générer des revenus au 3e trimestre : reste à savoir combien.
Néanmoins, Priceline voit son bénéfice avant impôt baisser légèrement et TripAdvisor voit son bénéfice avant impôt fondre de 21,9 % à 11,3 % (la fin de l’année risque d’être compliquée). Côté Expedia, il n’y a jamais eu de focalisation sur le résultat instantané, la stratégie étant toujours le long terme.
A quoi peut-on s’attendre ?
Expedia poursuit sa stratégie long terme sur son métier d’agent de voyages multi-cartes : de l’aérien aux excursions en passant bien évidemment par l’hôtellerie ou l’appartement de particulier. Être un agent de voyages pourrait paraitre anachronique en 2016 et pourtant l’abondance d’offre rend son besoin encore plus grand. Expedia vise la 1re place mondiale et pourrait bien y parvenir sur un trimestre 2017 ou 2018. La stratégie internationale d’Expedia lui permet également de s’exonérer plus facilement des problèmes de redressement fiscal : autant il paraît moralement (légalement c’est un soupçon plus compliqué) indiscutable de taxer le CA réalisé dans un pays (client et hôtel de la même nationalité), autant il est discutable de taxer le CA dans le pays de l’hôtel quand le client vient d’un autre pays ; hors Expedia envoie avant tout des clients étrangers aux hôtels. Avec le temps Trivago est devenu un superbe investissement pour Expedia : rabatteur de client en strate supérieure de la chaîne alimentaire tout en étant simultanément générateur de cash. Au 1er semestre 2016, Trivago a généré 377 $ de revenu par hôtel construit dans le monde, à comparer au 334 $ générés par TripAdvisor sur la même période (attention Trivago ne compare que des hôtels, environ 1 million, alors que TripAdvisor compare environ 1 million d’hôtels plus environ 800.000 appartements et villas sur lesquels les revenus sont fatalement inférieurs à ceux d’un hôtel).
Côté Priceline, la stratégie essentiellement opportuniste de Booking s’effrite à chaque fois que la parité est remise en question par un pays. Et vu le nombre de pays qui détricotent la parité (les résultats de Priceline parlent de la France, de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, de la Suède, de l’Irlande et de la Suisse), des pays où Booking est puissant, on pourrait être tenté de penser que Booking pourrait devenir un annuaire plus qu’un site de transaction. Enfin il ne faut pas trop rêver à ce stade. Néanmoins, Booking cherche à éviter cela en augmentant la panoplie de ses services au client (souvenez-vous des offres touristiques, voir « Yeah ! Booking a changé ») et cherche surtout à développer ses services côté hôtel, d’où BookingSuite. Maintenir son niveau de bénéfice des précédents exercices (grosso modo son CA se répartit en 1/3 en marketing, 1/3 en charges et le 3e tiers en bénéfice avant impôts) va devenir compliqué car le coût d’acquisition du client sur le web augmente :
le PPC ne diminue pas, au contraire, la faute à tous les vilains qui surenchérissent, notamment sur le brandjacking
les métamoteurs ne cessent de monter en charge, sauf Kayak dont l’intégration chez Priceline ne s’est pas aussi bien réalisée que celle de Trivago chez Expedia
Côté TripAdvisor, même si ses dirigeants sont confiants dans la pérennité du modèle métamoteur, on sent bien que les choses sont plus compliquées qu’elles n’y paraissent, la dernière « invention » de TripAdvisor étant d’être réservable en test sur quelques hôtels sur Google Hotels, sur Kayak ou sur Trivago. Après les OTAs, on a eu les métamoteurs, et bien on passe au métamétamoteur. A ce jeu là, on pourrait arriver à un méta puissance 3, 4 ou 5... Dire que les hôtels (par leur incapacité à se fédérer) sont responsables de ce souk laisse un goût amer de gâchis. Côté avis, trop d’avis tuent l’avis et ce qui a fait la force de TripAdvisor pourrait bien devenir sa faiblesse. Face à l’abondance d’avis et commentaires dont certains sont infiniment plus crédibles que ceux de TripAdvisor (oh le vilain Booking !), le contenu pour le contenu perd de son intérêt surtout quand le contenu n’est pas frais (« Il est pas frais mon poisson ? » dirait Ordralfabétix). Compte tenu du cash disponible, TripAdvisor devrait continuer de faire des acquisitions sans pour autant retrouver le chemin d’une rentabilité gargantuesque.
Face à l’augmentation des coûts d’acquisition de prospects, les grands du web sont devenus diaboliquement efficaces pour épier les prospects puis les contacter afin de leurs proposer des offres toujours plus personnalisées. Quand les hôteliers indépendants auront compris qu’avoir des visites sur son site web ne suffit pas à générer des revenus, peut-être investiront-ils dans des outils puissants de marketing.
Conclusion
Rien de bien neuf au final avec des mastodontes qui continuent à grossir et à générer du cash. Le plus « dangereux » chez ces acteurs est leur capacité à changer de stratégie du jour au lendemain ou même à couper net un bras. Vu le cash dont ils disposent, la reconversion ou les acquisitions ne sont qu’une question de volonté, pas de moyens.
Le temps ne fait qu’affirmer une évidence : ce n’est pas par la loi que les hôteliers vont pouvoir rétablir un équilibre car la loi arrive toujours beaucoup trop tard. Le fisc français rattrape Booking pour les exercices 2011 et 2012, sauf qu’il reste 2013, 2014 et maintenant 2015, Booking France venant par exemple de publier « seulement » 31,5 M€ de CA en France en 2015.
Croire qu’il suffit de faire sauter la parité pour faire de la réservation directe est l’une des pires inepties, et pourtant nombreux sont les hôteliers à y croire dur comme fer. Le client est désormais habitué à des facilités qu’aucun hôtel n’offre. Il est être sérieusement narcissique pour penser qu’un client doit consacrer perdre du temps à chercher son hôtel en direct puis surtout à le réserver en direct alors qu’il (le client NDLR) a trouvé l’hôtel sur un site bien fait, sexy et plutôt exhaustif. On attire pourtant pas les mouches avec du vinaigre ! Le temps du client n’est pas important alors que l’ego de l’hôtel l’est ; belle mentalité. Quand on prend un soupçon de recul et qu’on se place côté client, prendre l’hôtel A versus l’hôtel B n’est pas forcément très important car ce qui compte c’est d’avoir un lit qui paraisse confortable et que ça soit simple à réserver. Et si les hôteliers revendicatifs faisaient tout pour rendre leur hôtel plus attrayant que ceux des concurrents collègues alentours plutôt qu’à revendiquer ou se plaindre ?
La seule et unique façon de se donner des chances de toucher les clients le moins indirectement possible est de digitaliser son hôtel : on ne parle pas d’avoir un channel manager ou un PMS car ce sont des outils nécessaires mais pas suffisants, on parle d’avoir des outils puissants de CRM, de marketing automation, de relation client, de tarification... (cf. « Technologies pour optimiser la gestion du client : après le channel manager, voici le temps de la relation client et du yield »).
L’autre solution consiste à dire que donner 20 % de son CA à des professionnels du marketing n’est finalement pas un problème, tout en étant conscient que la chaîne alimentaire en haut de laquelle trône Don Corleone Google va fatalement devenir de plus en plus gourmande.
Si vous copiez cet article, n’oubliez pas d’insérer le lien vers sa source : http://suiv.me/6593
Dans le cadre strictement privé (voir les CGU) de la reproduction partielle ou intégrale de cette page, merci d’insérer la marque "TendanceHotellerie" ainsi que le lien https://suiv.me/6593 vers sa source
ou le QR Code accessible à l'adresse https://suiv.me/6593.qr . Voir le mode d'emploi. |
Recommander cette page
Tweet |
Les commentaires