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lundi 20 mars 2023

Faudrait voir à pas confondre évolution & révolution !

 

Au festival des mots usurpés, on peut citer le mot « révolution ». Certains se masturbent avec ce mot pendant que d’autres font mousser. Faire des soirées mousse en privé peut être amusant. En public, ça tourne à l’exhibitionnisme et surtout au mauvais goût !

Rappel des définitions

Un soupçon de réflexion permettrait pourtant de se souvenir qu’évolution et révolution sont deux concepts radicalement différents :

  • Une évolution est une transformation naturelle, une forme de progrès, parfois issu de la sélection naturelle, parfois issu de processus d’apprentissage : je teste plusieurs choses et je conserve la méthode qui a le mieux fonctionné.
  • Une révolution est le changement brusque et violent d’un ordre économique, moral, culturel, sociétal…

Google Adwords sur une colonne

Quand Google annonce que les liens payants ne seront plus affichés qu’en haut de page et non plus sur le côté, il faut avoir sérieusement manqué de lucidité pour ne pas avoir compris que Google pousse vers le mobile, à moins que ce ne soit l’inverse. Sur le mobile, la notion de colonne est absente et obsolète ! Enfin hormis sur TH qui passera un de ces jours en mobile. Google comme les autres entreprises du web pratique à haute dose le test & learn ou l’A/B testing. L’affichage de la pub sur une colonne est donc une évolution parfaitement logique et naturelle.

Economie de la demande travestie en économie collaborative

AirBnB ou Blablacar ne sont pas des révolutions : ce qu’ils font en 2016 existe depuis des décennies. Ces sociétés ne font qu’industrialiser un processus par nature amateur et sous prétexte de « rendre service » se génèrent des marges parfois indécentes. C’est juste la digitalisation et la mondialisation de pratiques anciennes, bref une simple évolution.

Quand AirBnB paie Google pour acquérir un prospect, AirBnB répercute le coût d’acquisition sur le prix que paiera ce prospect : rien de révolutionnaire, juste un principe de bon sens, celui qui consiste à préserver sa marge nette et à faire payer à l’internaute le surcoût du canal qu’il a choisi d’emprunter. Rien de secret, AirBnB en a déjà parlé…

Quand on a une marque forte on peut se permettre de répercuter au client le coût de son acquisition. Quand on a un produit moyen noyé au milieu d’une jungle de concurrents, c’est plus compliqué...

Le Big Data, évolution logique de la révolution Internet

Même le big data n’est pas une révolution. Depuis des décennies, les gourous du marketing espéraient pouvoir analyser finement l’intégralité des données disponibles sans en avoir la capacité entière : on analysait des bribes d’information. Depuis quelques années, on a la capacité à stocker et la capacité à analyser en TEMPS REEL. Car c’est bien ça le nerf de la guerre, savoir s’adapter en temps réel au temps qui passe.

Booking et les OTAs évoluent

Pas de révolution non plus quand Booking ou Expedia changent. Ces mastodontes s’adaptent au temps qui passe, s’adaptent au marché, s’adaptent à leurs concurrents.

BookingSuite n’est pas une révolution, mais juste une évolution naturelle destinée à augmenter l’empreinte de Booking/Priceline sur le marché du voyage. C’est somme toute très naturel et même normal dans une économie capitaliste. Le « surnaturel » c’est l’absence de vision et d’action des autres acteurs du secteur, les hôteliers étant en première ligne.

Booking et Expedia ne se contentent plus de vous envoyer des clients ? Ils s’en occupent désormais pendant leur séjour ? Évolution logique et normale en l’absence de prise en main technologique du client une fois la réservation faite. Quand les hôteliers verront des livreurs livrer pizza et sushi dans leurs chambres, peut-être réaliseront-ils qu’ils ont loupé un épisode.

Qu’est-ce qu’une révolution alors ?

Parmi les faits que les gens prennent pour une évolution, on peut citer le chômage de masse ou le non-emploi. On est pourtant en présence d’une véritable révolution sociétale, une révolution du capitalisme : le plein emploi n’existe plus et la robotisation/digitalisation croissante de plus en plus de secteurs de l’économie ne va qu’exacerber ce phénomène. Une chance pour ceux qui ont les moyens de se prélasser en travaillant peu ou pas, une galère sans nom pour ceux qui n’en ont pas les moyens, galère qui vire à l’esclavagisme quand les patrons se comportent mal. Hélas le concept de « revenu de base » ou « revenu universel » est loin de faire consensus alors qu’il est une des pistes qui permet d’anticiper la diminution du temps de travail humain et maintenir un niveau de vie décent.

Une autre révolution ?

Internet a été une formidable révolution industrielle et sociétale dans le sens où un nouveau cadre a été créé : il permet à l’économie et au savoir d’évoluer. Plutôt que révolution Internet, on peut dire révolution digitale.

Il est inopportun de considérer toutes les évolutions issues d’Internet pour des révolutions. Internet est une révolution digitale. C’est elle qui provoque ce fracas depuis 20 ans et qui va continuer à le propager pendant un certain temps.

Autre mot stupide stupidement utilisé à mauvais escient : « ubériser »

Dès qu’un changement ou une évolution digitale altère un métier ou en change quelques paramètres parfois (et même souvent) superficiels, hop, on parle d’ubérisation. La capacité à utiliser le mot est même devenu le nouveau critère de QI, c’est dire le niveau de médiocrité ambiant !

Pourtant le modèle Uber mérite qu’on s’y attarde : Uber n’a strictement rien inventé, ni technologie, ni méthode, ni business. Uber n’a fait que reproduire ce que d’autres avaient créé, en général les concurrents dont Uber veut prendre la place. Uber déteste la concurrence : la méthode Uber consiste à détruire systématiquement toute forme de concurrence sur le marché visé. On dépense beaucoup d’argent, on baisse les prix (au détriment des chauffeurs) afin de déstabiliser la concurrence… Puis une fois la concurrence tuée, on ré-augmente les prix. Quant au lobbying, Uber ne fait que reproduire à plus grande échelle ce que Coca-Cola, Philip Morris ou Monsanto pratiquent depuis des décennies. En fait le seul vrai point fort d’Uber c’est sa capacité à industrialiser simultanément copie des concurrents + destruction des concurrents + lobbying et prise à partie du public + à motiver des financiers qui voient en Uber le modèle d’asservissement de l’économie dont ils ont tous rêvé.

On a tous eu un ou une Uber à l’école maternelle, un enfant de parents riches qui trépignait et tapait du pied quand tout n’allait pas dans le sens qu’il ou elle voulait. En grandissant, Nelly Olson a cessé d’être une peste. De là à espérer que l’adolescence ou l’âge adulte fera changer Uber…

Avant de parler d’ubérisation, il serait opportun de se souvenir des méthodes Uber. Pour être exact , on pourrait dire « la révolution digitale rattrape le secteur X ou le métier Y »

Conclusion

Et si on faisait (à nouveau) fonctionner ses neurones simultanément ? Et si on prenait quelques millimètres de recul dès l’annonce d’une nouveauté ? Et si on se souvenait que le marketing consistait à faire paraître extraordinaire un produit banal ? Et si on cessait de reproduire bêtement ce qu’on trouve sur Internet ? Et si on cessait de s’extasier dès qu’une tempête dans un verre d’eau est annoncée urbi et orbi ? Et si on faisait vraiment attention aux changements profonds de la société plutôt qu’aux sirènes du marketing ?

 
 
 
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    Les commentaires


    1. le 22 mars 2016 à 11:05, par Thomas

    La révolution actuelle c’est le fait que l’impossible (techniquement) devienne possible et autorisé, puisque notre système légal autorise tout sauf ce que la loi interdit (cf notre constitution). L’accélération des innovations techniques, à la fois dans leur fréquence d’apparition et dans leur profondeur va faire paraître les changements d’aujourd’hui comme de simples frémissements, des révolutions pour de simples évolutions.
    Et si Uber n’invente rien en consultant les constructeurs automobiles pour l’achat massif de véhicules autonomes, comme il le fait actuellement, c’est un bouleversement de nos modes de transport et du marché de l’emploi qu’ils préparent. La voiture évolue en robot et la société ne semble pas se préoccuper de donner son avis.

 
 
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