Booking.com et la sémantique ne sont pas bons amis...

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La récente décision unilatérale de Booking.com de ne plus communiquer à l’hôtel l’adresse email de son client est l’occasion de faire un point précis de la relation client-Booking.com-hôtel. Le contenu de l’email envoyé par Booking.com aux hôteliers est intégralement reproduit dans l’excellent article de Vinivi « Comment rompre le lien entre l’hôtelier et son client ? » (texte en vert en milieu de page).
On peut y lire à plusieurs reprises les expressions "nos clients« et »nos clients communs« . Même si le service presse de Booking.com assure qu’il s’agit d’une »question d’interprétation", Booking.com est responsable des actes et mots de ses salariés, surtout quand ils ne font que résumer une attitude générale des account managers de Booking.com. Quel hôtelier n’a jamais eu affaire à un petit chef, bien souvent junior, et qui tente de lui faire comprendre qu’il s’agit de SON client, aucunement de celui de l’hôtel ?
Le service presse de Booking.com assure que des assouplissements vont avoir lieu. Ce qui est demandé, ou le devrait, n’est pas un assouplissement mais un rétablissement.
Quelle(s) conséquence(s) à cette décision unilatérale de Booking.com d’interdire aux hôtels l’accès aux emails des clients ?
Dans un contexte d’automatisation de la gestion de la relation client, Booking.com vient de rompre la chaîne de communication entre l’HÔTEL et SON CLIENT. En effet, les données de réservations cheminent depuis Booking.com vers le Channel Manager puis vers le PMS de l’hôtel, là où le CRM va en fonction de règles prédéterminées adresser un email au client X jours avant l’arrivée pour l’informer de choses aussi diverses que :
la procédure pour un check-in tardif
la procédure pour le parking ou le garage
la possibilité d’obtenir une chambre de taille ou catégorie supérieure à conditions préférentielles. On appelle ça l’upsell
lui transmettre le lien vers l’application de conciergerie
la procédure pour réserver son spa ou son tee time
etc..
Il faut désormais que l’hôtel aille dans son extranet Booking.com pour écrire en mode texte à son client. Et oui, INTERDICTION FORMELLE d’insérer un lien URL, une adresse email ou une image. Sur ce dernier point, il va falloir nous expliquer en quoi la loi interdit ce genre de chose !!!
L’autre conséquence est le DÉTOURNEMENT de la clientèle des hôtels par Booking.com comme expliqué ci-après.
Qu’est ce qui a motivé Booking.com ?
Les raisons invoquées par Booking.com sont celles des phishings récents des clients que Booking.com a du rembourser : des clients ont reçus de faux emails leur demandant de procéder au règlement intégral de leur séjour avant leur arrivée et certains clients l’ont fait de bonne foi. Ce ne sont pourtant pas quelques milliers d’euros, même par centaines, qui vont mettre Booking.com sur la paille ! Surtout que ces phishings peuvent être combattus avec l’aide de la technologie : il suffit d’acquérir l’expertise auprès de spécialistes de la sécurité.
Bloquer les emails des clients ne va pas résoudre le phishing concernant les hôtels, celui qui a consisté à détourner le versement des commissions des hôtels vers des escrocs. Mince alors, le prétexte n’est pas bon !
Dans les faits, ça fait longtemps que l’idée taraude Booking.com de s’accaparer la propriété du fichier client des hôtels. Maintenant c’est fait !
Pourquoi ne bloquer que l’adresse email du client ?
Pour protéger les données des clients, la logique dicte une anonymisation totale des données :
le nom devient « client123456 »
l’adresse postale disparaît
idem pour le téléphone :
idem pour la carte de crédit
et hop le problème est définitivement réglé : le client devient aussi anonyme qu’un agent du Mossad !
La logique de la protection des données est différente de la logique financière de Booking.com, ce qui prouve de facto que la seule chose qui compte pour Booking.com est bien l’adresse email du client, pas son nom !
Que disent les CGU de Booking.com ?
Le paragraphe n°1 des CGU, intitulé « Étendue de notre service » dit :
"Par le biais de ce site Internet, nous (Booking.com B.V. et ses partenaires (de distribution) affiliés) fournissons un portail en ligne grâce auquel tous les types d’hébergements temporaires (par exemple, hôtels, motels, auberges de jeunesse et chambres d’hôtes, désignés ensemble par les « hébergement(s) ») peuvent proposer leurs chambres à la réservation, et grâce auquel les visiteurs du site Internet peuvent effectuer une réservation dans ces mêmes établissements. En effectuant une réservation par l’intermédiaire de Booking.com, vous vous engagez dans une relation contractuelle directe avec l’établissement concerné par votre réservation. À partir du moment où vous effectuez une réservation, nous agissons uniquement en qualité d’intermédiaire entre vous et l’établissement, en lui transmettant les détails de votre réservation et en vous envoyant un e-mail de confirmation pour et en son nom.".
Waouh... on aurait pas pu mieux dire. Décidément ils sont bons pour expliquer simplement les choses chez Booking.com.
Le client de Booking.com, c’est l’hôtel
Dans ce contexte d’une transparence qui ferait passer pour opaque l’eau du Blue Lake, l’internaute qui réserve par l’intermédiaire de Booking.com ne peut pas être un client de Booking.com. Il s’agit simplement d’un UTILISATEUR.
Le seul et unique CLIENT de Booking.com est donc l’hôtel : c’est l’hôtel qui paie Booking.com pour lui fournir des clients. C’est donc à l’hôtel que Booking.com doit rendre des comptes. Même si écouter les utilisateurs est important pour Booking.com, écouter mais surtout discuter avec l’hôtel est PRIMORDIAL.
L’internaute qui réserve est le CLIENT de l’hôtel
Mais alors cet internaute est le CLIENT de l’HÔTEL. A coup de remontrances de chargés de compte juniors ou de l’email envoyé la semaine dernière aux hôtels, on avait fini par l’oublier.
A qui appartiennent les données des clients ?
L’internaute qui réserve étant le client de l’hôtel, ses données appartiennent exclusivement à l’hôtel.
L’hôtel a donné mandat à Booking.com de :
diffuser des données de présentation : coordonnées, images, descriptifs
diffuser ses offres commerciales
enregistrer en son nom les réservations des clients
envoyer en son nom une confirmation aux clients
Le contrat ne transfère aucune propriété de données ni aucune propriété intellectuelle, tout au plus un droit d’utilisation et une licence non-exclusive.
Booking.com a-t-il le droit de contacter le client de l’hôtel à des fins marketing ?
Booking.com fait tout pour que le client de l’hôtel coche bien la case l’autorisant à le recontacter, ou plutôt ne la décoche pas quand la législation de son utilisateur l’y autorise.
Ce faisant, Booking.com oublie qu’il a été mandaté par l’hôtel pour enregistrer une réservation. L’hôtel n’a jamais mandaté Booking.com pour piller sa clientèle !
Si Booking.com n’avait pas pris cette précaution qui consiste à faire cocher le client « je veux être recontacté par Booking.com à des fins marketing », Booking.com n’aurait strictement aucun droit.
Quand on se souvient que le seul et unique client de Booking.com est l’hôtel, on ne peut que constater que Booking.com usurpe sa fonction d’intermédiaire en tentant de devenir marchand lui même, disons plutôt receleur.
Jusqu’ici les hôtels ont laissé faire bon gré mal gré. Enfin c’est sans compter les actions des hôteliers européens devant leurs juridictions et Autorité de la Concurrence respectives ou celle du Ministre de l’’Economie français
Le point sur la procédure du Ministre de l’Economie contre Booking.com
Le moins que l’on puisse dire est que la procédure suit son cours et que Booking.com a tout fait ou presque pour renvoyer l’affaire devant une juridiction néerlandaise. Le 24 mars 2015, le Tribunal de Commerce de Paris s’est déclaré compétent, conformément à la jurisprudence et comme l’avait indiqué l’excellent rapport de la CEPC (Commission d’examen des pratiques commerciales). Il reste à Booking.com la possibilité d’attaquer la décision par la voie du contredit dans un délai de 15 jours et la décision à venir de la Cour d’Appel pourra également être attaquée devant la Cour de Cassation. Bref, on est loin de la fin de la procédure.
Le SYNHORCAT, la FAGIHT et la CPIH se sont joints à la procédure, mais pas l’UMIH. Pourtant le discours de l’UMIH laisserait PRESQUE croire qu’ils sont les seuls à agir contre les pratiques abusives des agences en ligne. C’est PRESQUE vrai...
La lecture du jugement du 24 mars permet d’apprécier quelques soupçons de mauvaise foi de Booking.com :
- Booking.com ne démarche pas les établissements,
- il n’existe strictement aucune relation contractuelle entre les hôtels français et les salariés français de Booking.com : à part prendre le thé ensemble, ils ne parlent pas du contrat, c’est sur !
Les lois sur la protection des données
Les législations européennes sur la protection des données imposent aux opérateurs de prendre des précautions et surtout à obtenir un consentement éclairé de l’internaute. Dans l’esprit de la loi, collecter les données des clients à plusieurs fins et plusieurs destinataires est « bizarre » ou « anormal ».
Afin de résoudre son propre problème qui consiste à usurper le rôle de l’hôtel dans sa relation avec son client, Booking.com a donc trouvé LA solution : dans la mesure où l’hôtel n’a plus du tout accès à l’adresse email, l’utilisateur de Booking.com client de l’hôtel n’autorise plus qu’une seule entité à utiliser son adresse email, à des fins marketing alors que ce client ne cherchait qu’à effectuer une réservation, croyant bien souvent et de bonne foi être en relation directe avec l’hôtel.
L’esprit de la loi n’est en tous les cas pas celui là !
Et si Visa imposait aux commerçants de communiquer à leurs clients EXCLUSIVEMENT par leur biais ?
Les émetteurs de cartes de crédit comme Visa ou Mastercard agissent également à titre d’intermédiaire entre le client et le commerçant. Pourquoi Visa ne se mettrait-il pas à imposer aux commerçants de communiquer EXCLUSIVEMENT à travers l’extranet de Visa ?
C’est pourtant la couleuvre en acrylique que Booking.com tente de faire avaler aux hôteliers, alors que Booking.com n’est qu’un INTERMEDIAIRE !!!!
Que devrait faire Booking.com des données des clients ?
Si Booking.com respectait scrupuleusement les termes de sa mission, il devrait purement et simplement détruire l’intégralité des données de réservations après les avoir transmises à l’hôtel, ou éventuellement après la date de départ du client de l’hôtel. Techniquement, quand l’hôtel utilise un channel manager, l’accusé réception de la réservation par le channel manager devrait suffire à effacer les données chez Booking.com : rapide, implacable, automatique et surtout sur.
En obtenant non sans abus le consentement du client pour conserver ses données après l’exécution du contrat de réservation avec l’hôtel, Booking.com s’assure le droit d’utiliser l’email du client pour le recontacter et lui vendre d’autres séjours.
Le même problème existe avec les coordonnées de carte de crédit : Booking.com ne devrait aucunement les conserver. Pourquoi Booking.com n’exigerait-il pas de devenir le prestataire de paiement des hôtels en y étant, en se basant sur le même principe fallacieux de « confidentialité » que soulève Booking.com aujourd’hui ? Simplement parce que les coordonnées de carte de crédit ne valent rien en comparaison à une adresse email.
Quelle solution pour les hôtels ?
Il y a bien un jour où il va falloir que les hôtels rappellent à Booking.com que les clients sont les leurs et que Booking.com usurpe allégrement son rôle.
Il suffit pour cela de procéder à une mise en demeure en bonne et due forme, transmise à Booking.com par recommandé A/R ou par exploit d’huissier, avec dans l’intervalle la suspension pure et simple des disponibilités. Si à échéance du délai Booking.com n’a rien modifié, l’hôtel peut soit rompre le contrat, soit attaquer Booking.com au tribunal, soit faire les deux.
Si vous voulez agir ensemble, remplissez le formulaire en cliquant ici
En faisant un léger effort, il ne devrait pas être difficile de trouver quelques dizaines ou quelques centaines d’hôtels prêts à agir de concert. Dans ce cas, une action coordonnée et surtout scénarisée permettra d’attirer la presse. Hormis l’argent, la seule chose qui importe Booking.com est sa réputation : toucher à sa crédibilité est le seul moyen, hormis la voix judiciaire, d’obtenir l’attention de Booking.com.
Il y a bien évidemment la solution de laisser faire, ce qui est d’ailleurs le plus simple. Cette solution n’est pourtant pas très compatible avec le fait de se plaindre du « méchant » Booking.com.
Conclusion
Il ne fait aucun doute que les hôtels vont encore et toujours courber l’échine, en oubliant le principe simple que Booking.com n’est rien sans eux. Si Booking.com perdait des établissements en nombre, il perdrait de facto le côté quasi exhaustif qui le rend incontournable aux yeux des internautes.
Si en parallèle ou en complément les hôtels se mettaient à doper leur présence aux endroits où Booking.com capte leurs clients, le rapport de force serait rééquilibré.
A ceux qui se persuadent que Booking.com est indétrônable : n’oubliez pas que Booking.com investit environ un tiers de son CA en marketing en ligne. C’est donc 1/3 du montant de votre commission qui sert à votre marketing, rien d’insurmontable à l’échelle d’un hôtel puisque vous en payez 3 fois plus sans rechigner !
Des solutions existent. C’est uniquement la volonté qui fait défaut
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