Pourquoi Fairbooking ne peut pas réussir... seul
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Impossible de passer à côté du message Fairbooking dans les médias spécialisés, mais surtout dans les médias généralistes. Faire la revue de presse serait trop long. En tous les cas, on peut être certain que le message est passé ou en train de passer à destination des clients.
Cette médiatisation a poussé beaucoup d’hôteliers à lever les yeux de leur comptoir et à tenter d’attraper la bouée qui passe, comme si cette bouée providentielle leur permettrait de ne pas couler. Même les syndicats patronaux ont été unanimes pour soutenir le mouvement, enfin pas financièrement hormis l’APIIH, faudrait quand même pas rêver tout éveillé.
Au passage, la sincérité de la démarche est (trop) souvent mélangée à des considérations purement mercantiles, comme si la montée en puissance des commissions des OTAs était le seul élément déclencheur qui a poussé à lancer le mouvement. Et bien non. Les aspects durables, équitables et responsables sont bien plus importants sur le long terme que de simples sommes d’argent versées à des « partenaires ».
Le mot partenaire est aujourd’hui abusivement utilisé par un certain nombre de ces OTAs, alors que le mot « partenariat » a été l’élément déclencheur des hôtels pour signer leurs contrats. Une fois établis dans une position dominante, les voici devenus tyrans, Booking en tête loin devant les autres.
Un club ?
Si la vocation de Fairbooking était de créer un club, c’est en passe de réussir avec un peu plus de 600 hôtels inscrits. Si ces mêmes 600 avaient réglé leur cotisation à RED, RED et Fairbooking pourraient avancer plus vite et surtout plus fort. Allez, un petit effort...
Et le client dans tout ça ?
En tous les cas, les clients se foutent royalement de savoir qu’un club d’hôteliers existe. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on s’occupe d’eux et bien.
Il faut quand même être inconscient pour espérer faire tenir la sauce longtemps sans faire un minimum d’efforts en terme de technologie et d’ergonomie. Espérer faire passer les clients de manière pérenne de la voiture climatisée à direction assistée à une voiture à manivelle est farfelu. La décapotable qui tombe en panne, c’est supportable l’été, mais quand la bise survient, rien ne vaut le confort moderne.
Pour le dire autrement, si les clients plébiscitent Booking aujourd’hui, ce n’est pas pour le bleu du site. C’est par ce que Booking remplit un besoin ! Celui de trouver ET de réserver en quelques clics à peine. Quand on est client et qu’on sait quel hôtel on veut, c’est sur que Booking présente un intérêt beaucoup plus limité, même s’il ne se gêne pas pour détourner la clientèle avec son brandjacking que n’aurait pas renié la Cosa Nostra.
Le pouvoir des marques
Pas moyen de faire le moindre achat sans être assailli par les marques. Même les coiffeurs s’y sont mis alors qu’on pourrait penser que les coiffeurs n’ont pas besoin d’un Franck Provost pour faire marcher leur salon. Idem chez les opticiens ou les épiciers de quartier...
Dans le monde de l’hôtellerie, les marques comme Booking, Expedia, TripAdvisor, Trivago... ont démontré leur pouvoir côté intermédiaire, mais également les marques hôtelières côté hôteliers avec Accorhotels.com par exemple.
Le client a besoin de facilement identifier ce qu’il achète à un référentiel personnel souvent très subjectif.
Même si Fairbooking n’est pas une marque à proprement parler, ce nom véhicule des valeurs qui parlent au client. Se passer de ce capital sympathie serait sans doute une erreur.
Puisqu’on en est à parler du caractère « fair » de Fairbooking, une internaute a ici même soulevé le côté inéquitable du traitement du personnel, rengaine ancienne mais qui persiste encore à certains endroits, mais également le côté inéquitable du traitement du client quand un hôtel triple ses prix à l’occasion d’un évènement d’envergure internationale comme AIR SHOW à Paris. Et si le rôle de Fairbooking était justement d’assurer au client que chaque hôtel figurant sur le site agit « correctement » aussi bien avec ses clients que ses salariés ou que ses actionnaires ou que l’URSSAF...
Keskonpeufairealors ?
Le premier objectif de tout mouvement est de réunir des troupes. C’est en fait à chaque converti qu’il convient d’aller convertir ses amis, confères ou collègues, méthodiquement, en utilisant les éléments mis à disposition par Fairbooking : un discours simple, des idées chocs... et surtout la capacité à faire signer des chèques d’adhésion.
Le second objectif de ce mouvement est d’alerter le client. Alerter ne veut pas pour autant dire convertir ni encore moins braquer. Si en fait l’opération Fairbooking permettait à chaque hôtelier de retrouver une bonne raison de parler à ses clients, ce serait un vrai retour des choses, tant il est devenu normal et en tous les cas trop classique que la conversation se contente d’un « z’avez bien pioncé ? », tout particulièrement quand à l’aube d’une journée riche en évènements ce même client est prêt à conquérir le monde et à prendre de bonnes résolutions pour peu qu’on lui en donne une raison, mais une bonne.
A contrario, il n’est pas rare de voir des hôteliers (tenter d’) impliquer leurs clients dans une véritable guerre contre les OTAs. C’est le meilleur moyen de se prendre un « si vous n’êtes pas content, résiliez votre contrat » toute empreint d’un bon sens que peu d’hôteliers ont poussé au bout du raisonnement. Si l’hôtelier est à la recherche d’un équilibre, alors Fairbooking s’adresse à lui. Si au contraire l’hôtelier est déchainé, la solution est de résilier ses contrats tout simplement.
Le troisième objectif demande de se mobiliser financièrement pour construire ensemble ce que souhaitent les clients. Même si les OTAs génèrent des marges entre 10 % et 45 %, il ne faut pas oublier que 55 % à 90 % de leur chiffre d’affaires est utilisé à construire le réseau, à dynamiser le marketing, à rémunérer des gens compétents, à inventer la technologie qui satisfait le client... Tout ceci pour dire que la mise en route d’un Fairbooking qui soit une véritable alternative pour le client demande des investissements.
Quelle(s) technologie(s) ?
Tenter en 2013 de construire de A à Z un système fermé serait franchement ridicule. Au contraire, c’est en se basant sur les offres logicielles open source et surtout sur le logiciel libre que l’hôtellerie pourra s’émanciper de la tutelle des OTAs. Il existe des tas de « morceaux » de code faciles à trouver sur Internet et pour lesquels leurs auteurs et leurs communautés sont sans aucun doute prêts à développer les quelques lignes de code demandées et/ou à standardiser leurs appellations dans l’esprit de ce que font HTNG ou OpenTravel au quotidien. Mais c’est aussi se servir des ressources mises à disposition par des géants du tourisme qui ont compris depuis longtemps que l’open source était un accélérateur de croissance à l’instar d’Amadeus qui plaide en faveur des systèmes ouverts.
Une fois ces morceaux de code récupérés, il faudra les mettre en ordre de marche, créer les lignes de codes qui permettront à ces systèmes de fonctionner ensemble aux côtés d’un cœur et de briques entièrement construits en logiciel libre par la communauté hôtelière.
Pour faire quoi ?
En fait le client ne veut pas mettre ses bottes pour aller arracher lui même ses poireaux bio et salir ses précieux tapis de voiture. Ce qu’il attend, c’est que ces poireaux bio lui soient livrés en ville afin qu’il puisse les récupérer sur le chemin qui le ramène du travail à la maison.
En terme de recherche hôtelière, ceci veut dire que le client veut pouvoir instantanément accéder à une offre ferme (disponibilité + prix + conditions) pour tous les hôtels depuis une même page, au moins aussi bien que ce que fait Booking ou encore mieux Trivago. Aujourd’hui le marché se dirige plus que fortement vers le métamoteur et ce ne sont pas les récentes acquisitions de Kayak par Priceline ou Trivago par Expedia qui vont le démentir. Que le client change de page pour conclure sa transaction n’est pas un problème. Ce qui compte c’est que sa recherche détaillée soit intégralement menée sur une seule page ou disons plutôt en un seul point. Aujourd’hui l’internaute qui utilise Fairbooking doit se faire un par un les sites et/ou les numéros de téléphone des hôtels. C’est gentil mais bon...
Viennent ensuite des besoins de synchronisation de stock entre le CRS de l’hôtel et la plateforme technologique de Fairbooking. Vu l’enfer que représentent le paramétrage et l’alimentation de planning parfois compliqués de certains hôtels qui disposent de types de chambres « particuliers », on ne peut qu’espérer voir émerger un système libre qui permette de gérer efficacement les besoins. Un exemple ? Ce n’est pas parce que les clients appellent pour réserver les chambres familiales qu’ils ne souhaitent pas le faire en ligne. C’est plutôt parce que l’offre Internet de configurations aptes à accueillir des familles est à pleurer.
Il ne manque pas de fonctionnalités que recherche chaque segment de client : celui qui réserve tôt pour bénéficier du meilleur prix, celui qui ne sait pas où il va loger le soir et attend l’ultra dernière minute, celui qui a besoin de flexibilité... Les OTAs de niche se sont créés sur ces segments. Le récent commentaire de Tobias Ragge, le patron charismatique d’HRS à propos des sites mobiles exclusivement dédiés à la dernière minute et qui ont à ses yeux peu d’avenir s’ils ne sont pas rattachés à des groupes ou marques puissants est bien réel. Au même titre qu’un hôtel sait bien que l’ultra last minute représente à peine quelques % de son volume, un OTA comme HRS a bien compris que la déperdition d’argent et d’énergie nécessaire à convaincre les hôtels à maintenir prix et dispos pour des miettes ou tout au plus quelques croutons n’est pas viable. C’est plutôt à des généralistes de proposer ce service en plus de leurs lignes tarifaires « classiques » et qui mieux que Fairbooking et l’esprit d’une commission équitable peut représenter une porte de sortie ? Dans le même esprit, d’autres fonctionnalités de niche sont à exploiter.
Côté social et donc viral, l’aventure Fairbooking prend tout son sens. Quant aux aspects de marketing direct et notamment l’emailing, il y a une véritable autoroute à exploiter.
Besoin de gens ?
Comment espérer voir Fairbooking progresser rapidement et dans la bonne direction avec des bénévoles, aussi impliqués soient-ils ? Fairbooking a besoin de gens à qui sont fixés des objectifs, des tâches et à qui on peut demander des résultats. Ces gens s’appellent des salariés.
Les besoins sont administratifs, commerciaux (recruter des hôtels mais aussi recruter des clients), marketing, technologie, réseaux sociaux, relation presse... bref une véritable équipe qu’il faudra bien rémunérer à un prix correspondant au prix du marché. N’oubliez pas qu’en face les OTAs paient cher leurs meilleurs éléments... Le recrutement de stagiaires et/ou de contrats aidés ne résoudra pas le problème de la compétence nécessaire. RED étant une association qui regroupe des patrons d’hôtels, des gens qui ont du capital même modeste, il ne faudrait pas confondre la défense des hôteliers sur Internet avec la faim dans le monde ou la maladie, même si le ver financier qui gangrène l’économie est une maladie qui affecte 99 % des terriens, sacrifiant au passage l’environnement sur l’autel du gavage immédiat des 1 % de « puissants ».
En fait ces salariés seront un peu les salariés de chaque hôtel puisqu’ils vont leur permettre de progresser et de faire plus de ventes directes.
Comment finance-t-on ces logiciels open source et ces équipes ?
Comme le disait au 17e siècle La Fontaine dans le Chartier Embourbé, « Aide toy, le ciel t’aidera » semble être adapté à la situation des hôteliers au 21e siècle. Avant d’aller quémander des financements, peut-être faudrait-il commencer par mettre la main à la poche et donner à Fairbooking ne serait-ce qu’une partie de que chacun donne en bougonnant à Booking tous les mois.
C’est en présentant une alternative cohérente et ambitieuse aux politiciens que leur bourse pourra se délier, ou plutôt transférer une part des sommes allouées à Atout France et qui lui servent à faire, défaire et surtout piétiner au lieu d’avancer. A force d’attendre qu’Atout France fabrique la technologie qui va sauver l’hôtellerie, autant la construire vous même. Ça ne pourra pas être plus inefficace ni surtout moins rapide.
L’Europe dispose également de fonds importants pour soutenir des initiatives comme celle là, à condition qu’elle accepte des hôteliers de toute l’Europe. Les hôteliers italiens, allemands ou grecs souffrent des mêmes maux...
Enfin, c’est à chaque hôtelier Fairbooking de mobiliser son club hôtelier, son CDT, son CRT pour que tous ces fonctionnaires dont beaucoup sont compétents travaillent ensemble avec les outils qui leur seront fournis. Les élus locaux auront eux aussi un vrai rôle à jouer à ce moment là. Quand viendra le moment où les campings, les gîtes ou d’autres métiers voudront en faire de même, il leur suffira d’adapter librement le système dans la même lignée au lieu d’essayer de réinventer l’eau chaude.
Quoi d’autre ?
Parmi les choses que pourraient faire avancer Fairbooking et/ou RED, on peut bien évidemment rappeler le premier objet de RED, à savoir l’éducation des hôteliers aux techniques de marketing au quotidien.
On pourrait également facilement fédérer des données statistiques réelles. Il est quand même dommage de se référer à une étude sur moins de 100 hôtels et dont la méthodologie n’a pas été révélée. Quant aux statistiques de CRT, on ne peut qu’être effrayés et surtout incompréhensifs de voir qu’elles émanent du cabinet MKG à l’instar du rapport « PERFORMANCES HOTELIERES DES POLES TOURISTIQUES URBAINS DE LA REGION PROVENCE COTE D’AZUR mai 2013 » qui recensait à peine 346 hôtels et 29.133 chambres, là où l’INSEE comptait 1.994 hôtels et 68.561 chambres au 1er janvier 2012. Avec 84 chambres par établissement là où l’INSEE en compte 34, le CRT peut donc affimer que ces stats sont très représentatives du parc hôtelier français !
De véritables données statistiques sur plusieurs centaines et plusieurs milliers d’hôtels permettraient enfin de savoir exactement de quoi on parle.
En cherchant un peu, on peut trouver d’autres actions à mener...
Conclusion
Au final, la vraie question est de savoir si les hôteliers sont réellement intéressés à prendre leur avenir en main ou s’ils préfèrent attendre que les OTAs NASDAQuiennes les aient totalement dépecés...
Si vous pensez que c’est encore faisable :
- adhérez à Fairbooking
- payez votre cotisation à RED
- recrutez d’autres hôteliers
- mobilisez vos élus et vos instances touristiques locales
- informez vos clients
- soyez cohérents dans votre commercialisation
- soyez « fair » au quotidien
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