Du bon usage de la pré-autorisation

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En matière de réservation hôtelière, le recours à la pré-autorisation est devenu monnaie courante. Le problème, c’est que ces nouveaux « experts » de la pré-autorisation n’ont que trop rarement pris la peine de comprendre comment fonctionne le système, et surtout comment il impacte le client.
Qu’est que la pré-autorisation ?
C’est la possibilité offerte au commerçant de vérifier la validité d’une carte de paiement d’une part et s’assurer de la solvabilité du client d’autre part, sans pour autant avoir débité le compte. Il s’agit ni plus ni moins d’une caution bancaire. (à l’attention de celles et ceux qui copient-collent cette définition, merci de citer la source...)
Le commerçant a 3 possibilités d’action dans le délai qui lui est imparti par contrat avec sa banque :
débiter réellement le montant pré-autorisé,
annuler la pré-autorisation et donc libérer le montant pré-autorisé,
utiliser une partie de la somme et libérer le solde de la somme.
Si le commerçant ne fait rien pendant ce délai, la somme est automatiquement libérée à l’issue du délai. le client retrouve alors sa capacité à utiliser cet argent.
En matière d’hôtel, le délai est généralement de 7 jours. Il est en théorie négociable avec sa banque.
L’obtention de la réponse OUI ou NON est instantanée et impacte instantanément le compte du client. La libération de la pré-autorisation n’est pas instantanée, un délai de propagation de 24 à 48 heures n’étant pas rare.
L’impact de la pré-auto sur le compte du client
Quand un marchand effectue une demande de pré-autorisation sur une carte de paiement, le montant est bloqué pendant une période de quelques jours à un mois sur :
- le plafond de carte de crédit quand le client utilise une carte de crédit
- le compte du client quand le client utilise une carte prépayée ou une carte de débit
Quelle différence entre les deux ? Pour faire simple, à chaque utilisation d’une carte de débit, le terminal interroge la banque émettrice de la carte à propos du compte et la réponse est binaire : OUI ou NON. Dans le cas d’une carte de crédit, le compte n’est pas interrogé. C’est le plafond de la carte qui est interrogé : s’il est dépassé, la réponse est NON.
Les plafonds de carte de crédit
Les cartes de crédit fonctionnent généralement avec un plafond. On constate généralement ces montants :
2.500 € pour une carte « normale »
5.000 € pour une carte « gold »
10.000 € à 20.000 € pour une carte « platine » ou « inifinite »
En fait cette limite est dite « par jours glissants », ce qui veut dire que le plafond se remet à zéro au bout de X jours, généralement 30 jours, après l’autorisation de paiement.
Les cartes American Express fonctionnent différemment dans la mesure où le plafond n’est pas figé par contrat : il évolue en fonction de l’utilisation de la carte et surtout du temps. Au début de son contrat Amex, le porteur peut augmenter temporairement son plafond Amex en envoyant un virement à Amex...
Le fait d’avoir un plafond élevé ne suffit pas forcément à couvrir les différentes cautions et pré-autorisations : un voyage dans plusieurs villes, avec plusieurs hôtels et plusieurs locations de voiture va faire « exploser » le plafond, même si au final les montants réellement débités sont bien inférieurs au plafond.
Les cartes de débit
Ici on ne parle plus de droit au crédit. On se réfère forcément au solde présent sur le compte courant ou le compte carte à l’instant précis où l’autorisation est demandée.
La demande d’autorisation ou pré-autorisation bloque la somme sur le compte du client.
Qui utilise quoi ?
En France, on utilise beaucoup la carte de crédit et on a tendance à réduire le spectre de la carte de débit à la seule carte Electron du réseau Visa ou équivalent Mastercard. C’est faux. De plus en plus de gens utilisent des cartes prépayées, pour X raisons et notamment l’assurance qu’un achat ou réservation en ligne ne dérapera pas.
A l’étranger, notamment au Royaume Uni, la carte de débit est très répandue.
Auparavant, on pouvait distinguer la carte de débit parce qu’elle n’était pas embossée : les chiffres n’étaient pas en relief. Désormais, bon nombre de cartes de débits sont indétectables à la seule vue de la carte.
La pré-autorisation chez les loueurs de voiture
Les loueurs utilisent correctement la pré-autorisation : lors de la prise du véhicule, ils bloquent une somme sur la carte de paiement, somme correspondant d’une part au paiement de la location s’il n’a pas encore été effectué et d’autre part à la franchise en cas de sinistre. Ce montant varie bien évidemment en fonction de la catégorie de la voiture. Certains contrats permettent de diminuer le montant de la pré-auto, mais pas sur toutes les catégories.
Au jour de retour du véhicule, le loueur utilise cette pré-auto pour réellement débiter le montant de sa facture et relâche le reste. Par exemple, sur une caution de 800 €, il débite réellement 200 € et annule la pré-auto sur les 600 € restant. Le compte du client est effectivement débité de 200 €. Dans le cas d’une carte de débit, le montant de 800 € était bloqué « en attente » et se débloque partiellement après débit réel. Le client retrouve alors la capacité à utiliser ses 600 €.
Si les loueurs le font bien, pourquoi les hôteliers ne le font pas ?
Les hôteliers vérifient la solvabilité du client à leur guise, bien souvent en dépit de leurs propres conditions de vente :
le jour où la réservation de 100 € est enregistrée, l’hôtel vérifie la solvabilité. On pourrait s’attendre à ce que le montant vérifié soit de 100 €. Mais non, de nombreux hôteliers majorent ce montant, parfois en triplant ce montant au cas où le client prendrait des extras. Ceci est réalisé sur le compte VAD (Vente A Distance). Ce compte VAD est différent du compte qu’utilise l’hôtelier quand il a le client face à lui.
à l’heure limite d’annulation sans frais, toujours sur le compte VAD
le jour du check-in, on en remet une couche en prenant une nouvelle autorisation du montant du séjour souvent majoré d’hypothétiques extras. C’est réalisé indifféremment sur le compte VAD ou sur le terminal physique « normal », suivant que le client tape ou non son code PIN
au check-out, on débite la carte du client sur le terminal physique, sans tenir compte des pré-autorisations précédentes bien évidemment
Au final, il n’est pas rare que le client ait vu une somme de 500 € bloquée pour une réservation de 100 € :
150 € le jour de la résa, par exemple à J-5, sur le compte VAD
100 € à 18h le jour de l’arrivée, heure limite d’annulation sans frais, sur le compte VAD
150 € au check-in tardif, sur le compte VAD
100 € au check-out, sur le compte « normal »
Combien d’hôteliers stipulent dans leurs conditions de vente qu’ils vont vérifier la solvabilité de la carte antérieurement au séjour ? En l’absence de stipulation, cette pratique est illégale.
La stipulation de la pré-autorisation dans les CGV, que ce soit sur le site de l’établissement ou sur les sites des OTAs, doit impérativement :
- Définir le montant qui pourra être pré-autorisé : une nuit (laquelle), 30% du séjour, 100% du séjour, etc...
- Définir les conditions préalables à la mise en œuvre de la pré-autorisation : fin de période d’annulation sans frais, 18h le jour de l’arrivée...
Prévoir une pré-auto plusieurs semaines ou jours avant l’arrivée (ou la fin de la période d’annulation sans frais) dans le cadre d’un tarif flexible s’apparente à une pratique abusive !
Sur un simple plan de bon sens, si l’hôtelier souhaite une garantie financière DES LA RESERVATION, la solution des arrhes est une solution qui a fait ses preuves. En l’absence d’arrhes, c’est au moment où le client est présent à l’hôtel, ou disons à partir de l’heure limite d’annulation sans frais, qu’il appartient à l’hôtel de réellement prendre une garantie financière, pas X jours ou X semaines avant son séjour. Ce n’est pas parce que le client n’a pas la provision sur son compte 1 mois avant l’arrivée qu’il ne l’aura pas sur place. A ce jeu là, les chaînes Accor et Louvre sont généralement respectueuses du client, sauf employé zélé.
Le fait que l’hôtelier prenne une pré-autorisation lors du check-in, ou même le pré-paiement est plutôt rassurant, même si la pratique n’est pas très répandue en France. Aux Etats-Unis, impossible de prendre une chambre sans pré-autorisation. Avec un pré-paiement ou une pré-autorisation clairement expliquée au client, c’est l’assurance d’éviter les mauvaises surprises au départ.
Quelques recommandations
- relire son contrat de pré-autorisation. Si vous ne l’avez pas encore souscrit, préférez de loin un terminal virtuel (utilisé sur Internet) à un logiciel installé sur le terminal physique. Le terminal virtuel peut être utilisé depuis le bureau de direction, depuis la maison, par le comptable... De plus, il est plus simple de réellement débiter le montant ou annuler la pré-auto sur une page Internet que sur le clavier d’un TPE : écran large, souris, clavier... sont bien plus pratiques que les 15 à 20 touches du TPE. Sur ce plan, PayPal propose la fonctionnalité « e-terminal » pour 20 € HT par mois : même un enfant de maternelle pourrait l’utiliser.
- en cas de TPE, relire le mode d’emploi et tout particulièrement la section permettant de débiter réellement le montant et celle pour libérer la pré-auto
- en cas de pré-auto par téléphone, relire votre contrat qui stipule la méthode pour débiter réellement le montant et celle pour libérer la pré-auto
- réfléchir à ses conditions de vente : faut-il prévoir la pré-auto ?
- sur tous les tarifs ?
- sur tous les types de chambre ?
- sur tous les canaux ? Rien n’empêche à l’hôtelier de faire une différence entre les différentes sources...
- au risque de perdre le client modeste qui a peur de voir le montant bloqué largement dépasser le montant de la réservation ?
- modifier ses conditions de vente en ligne sur son site, sur les OTAs : l’indication doit être très claire. Modifier également les conditions de chaque tarif quand la pré-auto dépend du tarif et du canal
- prévenir le client au téléphone en cas de réservation téléphonique
- faire preuve d’esprit d’analyse en cas de refus de pré-auto :
- pas très grave pour une réservation dans un mois
- savoir repérer les fausses réservations pour demande de Visa
- en tous les cas, un NON ne veut pas dire que le client est fauché. A contrario, un OUI ne veut pas dire que le client est riche !
- prévenir le client en cas de refus de pré-autorisation : la diplomatie est une vertu qui se perd
- en cas de pré-auto à la date de réception de la réservation : vérifier soit le montant total, soit 1 €. Si l’arrivée est lointaine, relâcher la somme dès obtention de la pré-auto. A quoi sert de bloquer cette somme sur le compte du client pour rien ?
- en cas de pré-auto à l’heure limite d’annulation sans frais et/ou de check-in :
- vérifier qu’une pré-autorisation antérieure ne couvre pas déjà la somme nécessaire
- au check-in, prévenir le client de cette pré-auto
- au check-out : ne pas débiter à nouveau la carte, mais plutôt utiliser cette pré-auto et relâcher le solde. On pourrait estimer que l’annulation de la pré-auto suffirait, mais dans la réalité, le délai de propagation de l’annulation de la pré-auto n’est pas instantané.
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