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mardi 21 mars 2023

Les frais d’annulation & les no-shows ne sont pas du chiffre d’affaire*

 

Il y a 30 ans, pour donner un statut « ferme » à une réservation, l’hôtelier demandait au client de verser des arrhes.

Aujourd’hui, les arrhes sont devenues une denrée rare. On constate sur internet que les tarifs proposés sont très généralement répartis entre « paiement sur place » ou « NANR » pour non annulable, non remboursable. Rares sont les tarifs proposés à mentionner la notion d’arrhes/acompte/paiement partiel.

A quoi ça sert ?

Le paiement partiel ou total antérieurement à l’arrivée sert à constituer une garantie financière. Pour de nombreux hôteliers, c’est également un élément non négligeable de leur trésorerie et qui peut même leur permettre de se dispenser d’un découvert bancaire sur les mois les plus tendus.

Que dit la loi à propos des arrhes et acomptes ?

L’article L214-1 du Code de la Consommation dit :

Sauf stipulation contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclu entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d’avance sont des arrhes, au sens de l’article 1590 du code civil.
Dans ce cas, chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double.

L’acompte est plus restrictif et engage le client sur l’intégralité de la prestation et de son règlement, le professionnel sur la réalisation de la prestation. Encore faut-il que le terme acompte soit stipulé. La fiche pratique de la DGCCRF est faite pour le client et c’est bien de son point de vue qu’il faut se placer. Cette fiche distille une petite astuce :

Arrhes, je peux arrêter
Acompte, je dois continuer

Si les conditions générales de vente sont plus souples ou plus restrictives, il est nécessaire de l’indiquer de manière claire :

  • annulation sans frais jusqu’à X jours avant l’arrivée : les arrhes sont remboursées en cas d’annulation dans les délais. Certains hôteliers choisissent d’établir un avoir équivalent à valoir sur un prochain séjour.
  • annulation & modification impossible
  • ...

Ce n’est pas parce qu’on a prévenu le client que les conditions sont strictes qu’il faut être borné(e)

L’hôtellerie étant un métier de service, savoir apprécier la bonne foi du client pour accorder si besoin un peu de souplesse paraît être un principe de bon sens. Hélas...

La réplique fétiche du « est-ce qu’Easyjet rembourse ton billet ? » est certes vraie (sauf si le client a réservé un tarif flexible), cependant le client qui est confronté ou en a vent de ce type de réponse peut légitimement se demander si tout est aussi mécanique et impitoyable dans l’accueil des clients...

Quant à la réponse « il n’avait qu’à prendre une assurance », c’est mesquin quand l’hôtel ne propose pas d’assurance pendant le processus de réservation... Il suffit d’avoir une seule fois dans sa vie avoir du essayer d’activer une assurance pour savoir qu’il y a toujours une bonne raison pour que la compagnie s’exonère d’indemniser...

C’est également sans compter sur le pouvoir des réseaux sociaux et sites d’avis. Bizarrement, ce sont souvent les plus rigides les plus critiques vis-à-vis du droit que ce sont octroyés les vils clients à juger la prestation. #bouhlesméchantsclients

Et en compta ?

Quand le client se présente, la question ne se pose pas : le prépaiement partiel ou total vient en déduction des prestations réservées et facturées.

Quand le client ne se présente pas, les sommes versées par le client et conservées par l’hôtelier ne sont pas un chiffre d’affaires. Elles correspondent à une indemnité couvrant le préjudice que l’hôtelier a subi.

Dans le plan comptable, ces indemnités ne se comptabilisent pas en classe 70 (Ventes de produits fabriqués, prestations de services, marchandises) mais en classe 77 (Produits exceptionnels).

Si le PMS ne sait pas gérer l’édition de reçu, alors il faut gérer les no-show & annulations hors PMS... ou en changer !

Pas de facture !!!

Voici un exemple anonymisé de ce qu’il ne faut surtout pas faire :
JPEG

Cette facture contient une multitude d’erreurs :

  • absence de date de facture alors que c’est une mention OBLIGATOIRE. Indiquer une date en face de chaque ligne de prestation ne signifie pas que la facture a été émise ce jour là. Si on part de ce principe, quelle est la date de la facture quand un client est resté une semaine ?
  • dates de séjour : par définition, il n’y a pas eu de séjour, tout au plus une réservation !
  • numéro de chambre : par définition, aucune chambre n’a été occupée !
  • ligne de prestation : il est indiqué « No Show » ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’hôtel a été prévenu de l’annulation tardive

En effet, comme le dit très clairement la fiche d’information de Service-Public à propos de la facturation,

« La facture est un document détaillé des prestations ou des marchandises vendues. »

Aucun service n’ayant été rendu dans le cas d’une annulation ou d’un no-show, il ne peut y avoir de facture !

L’hôtelier, si le client lui demande, doit lui fournir une pièce comptable qui peut prendre la forme d’un reçu ou d’une attestation. Il est important de se souvenir qu’entre professionnels, il y a obligation à fournir une facture ou le document comptable approprié. Pour les clients non professionnels, les règles sont légèrement différentes :

  • la facture est obligatoire si le client la demande ou en cas de vente à distance
  • la fourniture d’une note est obligatoire pour tout montant supérieur à 25 € TTC

Pas de TVA non plus

L’indemnité réparant le préjudice d’une annulation tardive ou d’un show n’étant pas un chiffre d’affaires, aucune TVA ne peut s’appliquer. Ça paraît évident.

La base de calcul étant TOUJOURS le HORS TAXE d’une part, la TVA étant collectée par l’entreprise pour le compte de l’état d’autre part, il n’y a strictement aucune raison de débiter au client le montant TTC de la réservation, ce qui pourrait d’ailleurs être assimilé à un enrichissement sans cause.

Encore une fois, en l’absence de mention contraire dans les CGV, la base de calcul est FORCEMENT le hors taxe.

Ajout au 27/02/2020

Suite à la demande d’un lecteur, la cour européenne de justice a parfaitement clarifié la situation dans son arrêt CJCE 18.07.07 C-277/05 concernant l’assujettissement à la TVA des arrhes conservées en cas de dédit :

Les articles 2, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens que des sommes versées à titre d’arrhes, dans le cadre de contrats portant sur des prestations de service hôtelier assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être regardées, lorsque le client fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par l’exploitant d’un établissement hôtelier, comme des indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux et, en tant que telles, non soumises à cette taxe.

Cerise sur le pompon

Quand un client prévient à temps qu’il ne viendra pas, inutile de lui casser les pieds avec un formulaire de satisfaction !

Ajout au 13/01/2022

Plusieurs jurisprudences nationales non pertinentes donnent des ailes à des contrôleurs des impôts

En se référant exclusivement à ces jurisprudences non pertinentes et qui diffèrent totalement de la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne (cf. encart précédent), elle même parfaitement détaillée dans ses arguments strictement hôteliers, les contrôleurs veulent créer une brèche. Sur le simple point des montants en jeu, il y aurait matière à en rire car le volume de TVA qu’ils tentent de récupérer de force est infiniment plus faible que le montant de TVA applicable sur les prestations effectivement délivrées.

Une autre brèche s’ouvre : de nombreux hôtels débitent une nuitée au client alors que le séjour était souvent plus long. Dans le cas d’un débit d’une nuit pour un séjour de trois nuits, le caractère indemnitaire semble limpide. Quand l’hôtel débite une nuit de frais d’annulation pour un séjour d’une nuit, les services fiscaux tentent d’assimiler cette nuitée unique à un « ticket de cinéma ».

Ceci voudrait dire que la nature d’un séjour de trois nuits est différente de celle d’un séjour d’une seule nuit, entraînant un traitement fiscal différent pour la même chambre et les mêmes oreillers...

La fiscalité d’un cure-dent est-elle différente suivant qu’on utilise un seul ou les deux côtés ?

Conclusion

Ça n’est pas bien compliqué de faire les choses correctement (débiter le HT, avoir des CGV complètes, fournir le bon document comptable...). Il suffit juste d’un peu d’organisation et de mise-en-place.

 

P.S. : L’absence de « s » à « chiffre d’affaires » dans le titre est volontaire : cette pratique est une véritable « affaire » pour certains hôteliers qui en abusent presque...

 
 
 
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