Le coq et l’aveugle

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Le coq, le seul animal qui fanfaronne du haut de son tas de fumier (les deux pieds dans la m... pour ceux qui n’ont pas eu la chance de vivre à la campagne), est définitivement un modèle pour beaucoup trop de leaders français, tout particulièrement dans le domaine des CHR.
Moi syndicat plus grande gueule que toi SNCF
Que n’a-t-on entendu ou lu quand les hôteliers ont vaincu (sic) Voyages-SNCF qui a retiré sa publicité en partenariat avec AirBnB. C’est pourtant l’image d’un défilé de syndicalistes mode fifties, bedaine et marcel à l’air, qui a marqué l’opinion. On se souvient du carnage de l’opération TVA dans l’opinion française qui n’a pas digéré d’avoir vu les prix augmenter. C’est ce que les braves syndicats viennent de réitérer avec brio en détruisant temporairement le partenariat Voyages-SNCF & AirBnB.
Le motif réel de la suppression de la campagne marketing par Voyages-SNCF ne sera sans doute jamais connu mais s’en attribuer l’exclusivité est sans aucun doute présomptueux. Néanmoins cette ire théâtrale a démontré que Voyages-SNCF est une entreprise très agile et très réactive malgré sa taille, et c’est là tout le contraste avec ses adversaires d’un jour.
AirBnB gagnant dans cette histoire
Quand les méchants hôteliers s’attaquent au gentil AirBnB qui rend un voyage moins douloureux sur le plan financier, car c’était bien la démarche de la SNCF qui disait « louez votre logement en votre absence et réduisez ainsi le prix de votre voyage », les clients entendent parler d’AirBnB à tue-tête et ont bien évidemment du mal à comprendre ce qu’on reproche ici à AirBnB. Superbe campagne de pub gratuite pour AirBnB, orchestrée, payée et sublimée par des tiers avec en prime le relais sur toutes les chaînes de TV en supplément du reste !
Ah m... on avait pas vu sous cet angle.
Pas français ? Pas d’impôts en France ?
A-t-on vu les associations de chanteurs ou les syndicats de producteurs se plaindre de la présence de Mika (un chanteur britannico-libanais) dans les récentes publicités pour le TGV ? La SNCF a-t-elle réalisé un appel d’offres pour recruter Mika ?
Non, la SNCF a simplement sélectionné un chanteur qui plait aux gens. Qu’il ne soit pas français importe peu aux gens qui l’écoutent et l’apprécient, pas plus que le fait qu’il paie (s’il n’oublie pas) ses impôts au Royaume-Uni où il vit !
Au demeurant, s’il fallait n’écouter que des chanteurs ou groupes qui paient leurs impôts en France, adieu les Rolling Stones et vive Mireille Mathieu ! Mais aussi adieu iTunes. Ah oui mais non, pas envie de lâcher mon iPhone !!!
Késako le mot « client »
Un jour faudra-t-il comprendre que celles et ceux qui font vivre les entreprises en général et notamment celles du secteur des CHR sont des clients, des gens comme tout le monde, des gens qui cèdent aux sirènes du marketing, mais surtout des gens qui regardent leur portefeuille et leur propre intérêt. L’intérêt du commerçant est au mieux 15e ou 20e sur la liste des points importants pour le client, loin derrière le prix, la facilité à réserver, la commodité, les modes de paiement, etc...
Le mythe du « réservez-en direct »
Dire au client « réservez en direct » sans rien lui proposer d’intelligent, sans lui garantir le meilleur prix, sans lui proposer un avantage sérieux est la preuve d’un aveuglement total qui vire à l’obscurantisme.
Penser que 100 % de réservations en direct et un hôtel plein est, sauf exception, un mythe inaccessible. Le seul levier disponible pour l’immense majorité de l’industrie hôtelière, c’est de parvenir à un équilibre (au cas-par-cas NDLR) entre réservations directes versus réservations indirectes.
Garantir le meilleur prix ? Il ne suffit pas de dire que le prix en direct est moins cher. Il faut s’engager à rembourser la différence et offrir une compensation au cas où un prix moins cher serait passé à travers les mailles du filet.
Proposer un avantage ? Quand on se plaint au client de donner 15 à 20 % de commission aux agences et qu’on n’en reverse que 5 % au client, on se fout royalement de lui. Dans son esprit, si l’hôtel donne 15 % aux OTAs, alors l’hôtel peut lui faire bénéficier de 15 % de remise, CQFD.
Où sont les outils technologiques ? Pour que le client réserve en direct, il va falloir se creuser un peu la tête pour proposer une expérience de réservation au moins égale à ce que proposent Booking.com, Expedia, TripAdvisor, Trivago... Il va falloir un peu de technologie. Il va falloir dépenser un peu d’argent. Bouh que c’est vulgaire de parler d’argent...
Veut-on que le client réserve en direct ou qu’il réserve tout court ?
Compte tenu de la lame de fond que représente le phénomène symbolisé par AirBnB qui brise les codes à tous les degrés, la vraie question est « quel avenir pour l’hôtellerie telle qu’on la connait depuis des décennies ? ». Les autres plateformes parfois moins agressives exploitent pourtant le même filon, celui de permettre aux consommateurs de générer eux aussi des revenus et c’est cette vague qui importe, pas le nom de tel ou tel acteur. Cette vague soulève de justes questions, mais la rejeter ou tenter de l’interdire ne résoudra rien.
Si on regarde de manière pragmatique, il paraît plus qu’évident d’optimiser les hébergements existants plutôt qu’à ajouter de nouvelles unités, commerciales au demeurant.
Dans une logique purement capitaliste, le gouvernement trouve qu’il vaut mieux augmenter le marché, le nombre de touristes (sans augmenter ou presque le volume d’unités commerciales NDLR), afin de maintenir l’activité commerciale rentable (ben oui, leur fermeture coûte cher à l’état notamment avec leurs chômeurs et puis ce sont quand même de super contributeurs sur le plan fiscal) tout en augmentant les revenus para-commerciaux qui eux aussi sont soumis à des taxes qui ne devraient pas décroître, l’urgence étant plutôt à leur recouvrement. Quand la taxation de ces revenus ne sera plus l’exception, nul doute que leurs taux de taxes et leurs obligations vont augmenter. Et oui l’état a besoin de maintenir son train de vie anachronique et celui de sa cour, là où les gens se serrent la ceinture. De là à dire que l’état a intérêt à ne pas décourager ces activités... Disons que ça s’appelle de l’optimisation des revenus.
Le fait que le client réserve un hôtel en direct ou pas n’est plus vraiment le problème. Il est urgent de se poser la question de savoir comment faire venir et revenir des clients dans les hôtels alors que la panoplie des hébergements « alternatifs » ne fait que s’élargir, avec à la clé un stock conséquent mais fragmenté.
Pour que le client réserve (un hébergement commercial) tout court, il va falloir non seulement lui promettre mais surtout lui fournir l’expérience de qualité qui lui correspond tout au long de la relation, pas uniquement quand il est dans sa chambre. Il va falloir revisiter les services fournis ainsi que l’accueil. Il va falloir revisiter les outils technologiques. Il va falloir modifier ses grilles de segmentation et prendre en compte les comportements volatiles et radicalement différents de ses clients. Il va falloir investir dans son personnel et dans des sous-traitants ou partenaires professionnels. Il va juste falloir se secouer.
Fair, vous avez dit fair ?
Quand une association propose un génialissime widget qui truque les résultats des moteurs de recherche pour toujours afficher en tête de liste les pages FairBooking, y compris sur la requête « booking », y compris dans des villes où l’association n’a pas d’établissement affilié, y compris quand les hôtels n’y proposent pas leurs meilleurs prix, on se dit que le mot « fair » n’a pas seulement été oublié, il a été massacré sur l’hôtel l’autel de l’obscurantisme.
En mots simples, ce widget agit comme un cheval de Troie qui ouvre une brèche dans le navigateur Internet lors d’une recherche sur un des moteurs Google, Bing ou Yahoo. Le widget met des sociétés et des associations en avant dans ses résultats truqués : FNAC, Darty, Natures et Découvertes, Biocoop... Une fois que la brèche est ouverte on y fait potentiellement rentrer ce qu’on veut : ça c’est Fair ! Sans compter qu’un hacker (plus) malin pourrait exploiter ce cheval de Troie. Si Booking.com en faisait autant, le déluge de commentaires et critiques serait incessant. Ah oui mais non c’est pas pareil.
Question : quel intérêt a un internaute (un de ceux faisant partie des 99,9 % de clients qui ne sont pas des militants de l’équitable) à télécharger ce widget/complément à part faire plaisir à la société qui l’édite, société qui en l’occurrence appartient à l’un des administrateurs de ladite association ? Mais ce n’est qu’un hasard, n’y voyez surtout pas un énième conflit d’intérêt. Chuuuuuut...
En tous les cas, ce widget est à des années lumière de l’initiative openoox.com officiellement lancée cette semaine au CES par Pierre Kosciusko-Morizet, Marc Simoncini et Denys Chalumeau. L’aspect « recommandation » d’openoox évolue en temps réel grâce aux utilisateurs eux même, pas uniquement parce qu’un site a été manuellement ajouté à une liste de sites « fair ».
Conclusion
Quand les hôteliers vont-ils enfin construire ENSEMBLE le grand chantier qui leur permettra de se mettre à portée de TOUS leurs clients, qu’ils réservent en direct s’ils font partie des 0,1 % qui achètent équitable ou par intermédiaire s’ils font partie des 99,9 % restant ? Quand vont-ils cesser de confier les clés de leur destin à des syndicats qui pensent à leurs intérêts avant ceux de leurs adhérents ? Quand les hôteliers vont-ils cesser de se battre contre les moulins à vent ? Quand les hôteliers vont-ils cesser d’être aveugles ?
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