Autorité de la concurrence : propagande ou incompétence ?
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Dans son communiqué concomitant à sa décision à l’égard de Booking.com, cf. l’article « L’autorité de la concurrence protège Booking.com des méchants métamoteurs et des vilains hôteliers », l’Autorité de la Concurrence a publié un tableau destiné à éclairer la presse sur ce qui allait changer avec cette décision.
Le problème, c’est que les questions sont mal posées ou sont incomplètes. Quant aux réponses, elles sont pour certaines totalement fausses. En voici l’inventaire :
Question N°1 : Proposer des prix plus bas sur les autres OTAS
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Interdit | Autorisé en théorie Moins en pratique |
Dans la pratique, les OTAs ayant tous la même clause, la seule façon de permettre aux OTAs d’avoir des prix différents, c’est que le canal web direct de l’hôtel ne soit PAS LE MOINS CHER, ce qui n’est pas le but recherché par l’hôtel ; par l’ADLC on peut en douter. Quel hôtel donnerait 100 € à Booking et sur son site, puis 90 € à Expedia ? Le seul moyen de vendre à 90 € sur son propre site, c’est de donner 90 € à Expedia et à Booking.
Nul doute que l’OTA n’ayant pas le prix le moins cher, surtout s’il est puissant, jouera les gros bras et déclassera l’établissement. Tant que l’algorithme de classement est opaque, Booking.com fait ce qu’il veut et peut punir à sa guise.
Question N°2 : Proposer des prix plus bas sur leurs canaux hors ligne aux consommateurs (téléphone, réception de l’hôtel, SMS, messageries instantanées, campagne e-mailing)
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Autorisé sauf call center | Autorisé |
Le contrat Booking stipule dans son article 2.2.2. actuel et qui va fatalement être modifié au 1er juillet 2015 : "L’Hébergement doit assurer à Booking.com la parité de ses tarifs et disponibilités (la « Parité »). La parité Tarifaire signifie des tarifs égaux ou plus avantageux pour le même Hébergement, le même type de Logement, les mêmes dates de séjour, le même type de lit et le même nombre de clients, et des restrictions ou conditions égales ou plus avantageuses, par exemple pour le petit-déjeuner, les modifications de réservation et les conditions d’annulation, aux tarifs, conditions et restrictions disponibles sur les sites Internet de l’Hébergement ou par les centres d’appel dudit Hébergement (y compris par le système de réservation), directement auprès de l’Hébergement, auprès de tout concurrent de Booking.com (y compris toute agence ou tout intermédiaire de réservation en ligne ou hors ligne) et/ou auprès de tout autre tiers (en ligne ou hors ligne) étant un partenaire commercial de l’Hébergement ou étant lié audit Hébergement."
Cet article inpose donc la parité tarifaire sur les canaux directs suivants :
sur les propres sites Internet de l’hôtel
aux call centers de l’hôtel, ce qui renvoie ceci au niveau de la chaîne
Cet article exclut de facto du spectre de la parité tarifaire :
le téléphone de l’hôtel
la réception de l’hôtel
le SMS
la messagerie instantanée
les campagnes e-mailing
et même le programme de fidélité
Question N°3 : Proposer des prix plus bas aux consommateurs à condition que les tarifs ne soient pas accessibles au public sur Internet
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Autorisé | Autorisé |
Cf. question N°2 se référant à l’article 2.2.2. du contrat Booking.com. Rien n’interdisait à l’hôtel de proposer hors ligne des prix inférieurs à ceux diffusés en ligne.
Question N°4 : Proposer des prix plus bas dans le cadre de leur programme de fidélité
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Autorisé | Autorisé |
Cf. question N°2 se référant à l’article 2.2.2. du contrat Booking.com. Rien n’interdisait à l’hôtel de proposer à ses clients fidèles des prix inférieurs à ceux diffusés en ligne.
Question N°5 : Communiquer publiquement sur le fait qu’ils proposent en direct et via leurs programmes de fidélité des prix « avantageux »
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Autorisé | Autorisé |
Strictement aucun article du contrat Booking.com ne l’interdisait. D’ailleurs, s’il y avait eu la moindre faille, il est évident que Booking.com se serait engouffré dedans, par exemple sur le sujet FairBooking.com !!! Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est FairBooking, c’est un programme par lequel les hôtels et les clients se partagent la commission des OTAs en réservant en direct.
Question N°6 : Consentir des conditions commerciales plus avantageuses aux autres OTAs
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Interdit | Autorisé en théorie Moins en pratique |
Dans la pratique et dans le même esprit que la question N°2 ci-dessus, les OTAs ayant tous les mêmes clauses, la seule façon de permettre aux autres OTAs d’avoir des offres (tarifs + conditions) différentes, c’est que le canal web direct de l’hôtel ne soit PAS LE PLUS FAVORABLE, ce qui n’est pas le but recherché. Nul doute que l’OTA n’ayant pas les meilleurs conditions, surtout s’il est puissant, jouera les gros bras et déclassera l’établissement. Tant que l’algorithme de classement est opaque, Booking.com peut punir à sa guise.
Question N°7 : Consentir un plus grand nombre de nuitées disponibles aux autres OTAs et/ou s’en réserver la vente sur leurs propres canaux pour certaines périodes
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Interdit pour les autres OTAs Autorisé en direct | Autorisé |
L’article 2.2.2. du contrat Booking stipule : " La Parité des disponibilités signifie que l’Hébergement doit fournir à Booking.com des disponibilités (c’est-à dire, les Logements disponibles à la réservation sur le Site Internet) au moins aussi favorables que celles fournies à tout concurrent de Booking.com (y compris à toute agence ou tout intermédiaire de réservation en ligne ou hors ligne) et/ou à tout autre tiers (en ligne ou hors ligne) étant un partenaire commercial de l’Hébergement ou étant lié audit Hébergement.".
La rédaction du paragraphe excluait la parité avec le propre site de l’hôtel. La guerre entre Expedia et plusieurs chaînes hôtelières portait justement sur ce point de détail : les OTAs considèrent les sites de chaînes comme des partenaires commerciaux, mais aucunement comme le propre site de l’hôtel.
Question N°8 : Recontacter les clients antérieurs de l’hôtel et de la chaîne ou la communauté d’hôtels à laquelle l’hôtel appartient
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | Interdit | Autorisé | |||
D’après TH | Autorisé | Autorisé |
Voici le meilleur exemple de désinformation de l’ADLC. Jamais les contrats des OTAs n’ont interdit aux hôtels de recontacter leurs propres clients (réservés hors OTA NDLR).
Les contrats des OTAs interdisent par contre aux hôtels de recontacter à des fins marketing les clients acquis par le biais d’un OTA, cf. l’article 2.9 du contrat Booking : "L’Hébergement s’engage à ne pas s’adresser spécifiquement aux Clients obtenus par l’intermédiaire de Booking.com lors de campagnes en ligne ou hors ligne ou par le biais de courriers sollicités ou non sollicités. "
Sur ce point il est primordial de distinguer les OTA disposant d’une licence d’agence de voyages des autres. L’OTA avec licence AGV, à l’instar d’Expedia, est intégralement responsable du bon déroulé du séjour du client et à ce titre interlocuteur privilégié (et unique NDLR) de l’hôtel. L’OTA sans licence AGV n’a strictement aucune légitimité à s’immiscer et encore moins à interdire aux co-contractants (le client et l’hôtel) de communiquer entre eux par le moyen qu’ils préfèrent.
Sur un simple plan de bon sens, si un hôtel obtient directement d’un client ou prospect l’autorisation de le contacter à des fins marketing, qui peut interdire à une entreprise d’utiliser une adresse email valablement collectée ? Certainement pas le contrat de Booking !
Voici maintenant quelques questions qui ont été posées à l’ADLC... mais restées sans réponse.
Question manquante N°1 : Est-ce normal que la commission de l’OTA se calcule sur le prix TTC de la chambre ?
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | sans avis | sans avis | |||
D’après TH | Inadmissible | Inadmissible |
Question manquante N°2 : Est-ce normal que les OTAs pillent littéralement les marques des hôtels en pratiquant allègrement le brandjacking ?
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | sans avis | sans avis | |||
D’après TH | Inadmissible | Inadmissible |
La question a pourtant été ouvertement posée à de nombreuses reprises dans les différents écrits et au cours des sessions orales. C’est certain qu’il était plus important de protéger une puissante entreprise étrangère, en l’occurrence Booking des méchants métamoteurs, d’autres puissantes entreprises étrangères, que de protéger les hôtels, de petites entreprises françaises, de l’abus d’utilisation de leur marque par Booking.com, une entreprise étrangère dominante.
Peut être faut-il demander à l’autorité de la concurrence néerlandaise de protéger les hôteliers français !!!
Question manquante N°3 : Est-ce que l’hôtel doit donner accès aux OTAs à ses meilleurs offres (type NANR) ?
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | sans avis | sans avis | |||
D’après TH | Oui en théorie Autorisé dans les faits | Oui |
En décorrélant totalement les éléments constitutifs d’un tarif d’un produit, en l’occurrence la valeur du prix d’une part et les conditions particulières d’autre part, l’ADLC s’est concentrée exclusivement sur la valeur faciale en euros, peu importe les conditions particulières applicables.
Auparavant, un hôtel parvenait à ne pratiquer certains tarifs (prix + conditions) que sur son propre site. La discussion était parfois un peu houleuse mais nombreux sont les hôteliers à ne pas avoir cédé et à ne pas subir les foudres de Booking. Tout dépendait du contexte globale et de la relation. La proposition de Booking acceptée par l’ADLC ne laisse plus de place au doute sur ce point précis et extrêmement sensible.
Si un hôtel propose la même chambre à plusieurs niveaux de prix, par exemple un tarif flexible à 100 Euros et un tarif non annulable-non remboursable-non modifiable à 80 Euros, alors l’hôtel devra donner à Booking.com ce prix de 80 Euros !!!
Question manquante N°4 : Est-ce que Booking a fourni des éléments précis sur la façon dont est calculé son algorithme ?
Avant | Après | ||||
D’après l’ADLC | sans avis | sans avis | |||
D’après TH | Non, et c’est inadmissible | Non, et c’est inadmissible |
Tant que Booking ne fournit pas d’éléments précis sur son algorithme de classement, toutes les hypothèses sont autorisées. Il faut dire que les tentatives de répression et répressions ont été nombreuses de la part des petits chefs : quel/le hôtelier/ière n’a jamais eu l’impression d’avoir 4 ans tant son « account manager » se permettait de lui apprendre son métier et ce qu’est un client ? quel/le hôtelier/ière n’a jamais été sévèrement réprimandé/e par son « account manager » ? Quand un alcoolique promet que c’est son dernier verre, peut-on le croire ? Quand Booking promet de ne pas réprimander les hôtels, peut-on le croire ?
Conclusion
Voici un tableau un peu plus réaliste et surtout plus objectif des changements apportés par l’ADLC.
Devant tant d’erreurs et d’incompréhension, on ne peut qu’être abasourdi par cette décision totalement déconnectée de la réalité du monde de l’entreprise.
Espérons que les syndicats professionnels et/ou le Ministre de l’Economie feront appel de cette décision.
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