La démission des institutionnels devant Booking

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Après nous avoir bercé du dogme totalitariste de l’égalitarisme, voici de vaillants institutionnels enclins à la tentation du capitalisme extrême en confiant les clés de la réservation des hôtels à ce satané Booking.com. Et si on disait que c’est fini, simplement ?
Le dogme totalitariste de l’égalitarisme
Beaucoup et en tous les cas trop d’institutionnels nous rabâchent qu’il est impératif de ne jamais mettre en avant un hôtel plus qu’un autre, un restaurant plus qu’un autre, un commerce plus qu’un autre... Pourquoi « totalitariste » ? Simplement parce que d’après eux penser autrement est un grave pêché qui mérite le bûcher de l’Inquisition, un comble dans un pays laïc !
Vu d’ailleurs, cette volonté farouche de mettre tout le monde sur un pied d’égalité quand eux même (les hôteliers/restaurateurs/commerçants/etc... NDLR) ne font rien pour être égaux, quand tous ne s’occupent pas de leurs clients de manière équivalente, quand tous n’offrent simplement pas de prestations équivalentes est tout simplement bizarre et surtout anachronique. Ailleurs, on laisse les meilleurs de leur marché le tirer vers le haut au lieu de le niveler par le bas.
Le dogmatisme touche toutes les strates de la société avec plus ou moins d’intensité suivant que l’on est fonctionnaire ou pas, salarié d’une grande entreprise ou pas. Ni les patrons ni les salariés de petites entreprises ne prennent le temps d’être dogmatiques tant leur quotidien peut à tout moment changer ou même s’effondrer. Ils sont pragmatiques : ils travaillent à maintenir leur travail et leur avenir.
Donc voici nos braves offices de tourismes et autres institutionnels « old school » qui préfèrent laisser les clients tirer au sort un hôtel ou un restaurant plutôt que de recommander un ou plusieurs chez qui le client sera plutôt bien accueilli. Mieux vaut donc laisser le client avoir une mauvaise impression de la région plutôt que le guider. Les clients ont trouvé la parade : ils vont voir les sites communautaires, les sites d’avis, les sites UGC dont nombre d’entre eux dépendent d’une bourse étrangère et se sucrent allègrement au passage.
Dans le contexte de la fermeture obligatoire le soir des magasins des Champs Élysées, les touristes vont tout simplement aller dépenser leur argent chez les commerçants qui le souhaitent, ailleurs (à l’étranger NDLR). À force de mettre des dogmes partout, on n’aura bientôt plus rien à dogmatiser.
L’abus du (mauvais) Made-in-France et du « on sait ce qui est bon pour vous »
Depuis des années, les institutionnels français, Atout France en tête, ont voulu imposer leur vision de la technologie appliquée au tourisme, leurs standards franco-français, leurs super systèmes d’information et services parfois si improductifs qu’on se croirait revenu 40 ans en arrière en plein URSS.
Le monde a évolué, des startups y compris françaises ont montré le chemin de ce qui marche, de ce que cherche le client, de ce qui lui plait, mais non, le dogme de l’état providence et de l’état qui décide et organise a une fois de plus sévi. Mais le pire, c’est que les élus qui mandatent et confortent ces institutionnels ainsi que les institutionnels eux-mêmes se croient investis d’une mission qui consisterait à imposer une vision futuriste rétrograde et consensuelle dirigiste de l’économie du tourisme. En période de crise, c’est un luxe qui n’est plus permis qu’à ceux qui ne produisent pas. Les autres bossent pour payer, car ne l’oublions pas, la mise en pratique de ces dogmes se fait avec de l’argent public à peine gaspillé, de l’argent douloureusement extirpé de l’économie réelle réellement imposée en France : les prélèvements obligatoires de l’état devraient peser 46 % du PIB français en 2014 et les dépenses de l’état 57 % du PIB, rien que ça ! Si on compare au prix d’une chambre, sur 100 € HT facturés, il n’en restera que 43 pour les salariés, les patrons, les achats, l’électricité, l’entretien, les banques, l’investissement, la technologie, la prévoyance, l’avenir, etc... Pas folichon !
Et alors quand ces personnes investies d’une mission se mettent à parler aux autres en public ou à publier sur des blogs pour évangéliser leurs pratiques anachroniques, on atteint des sommets dans l’étalage de sciences du web. Certains parviennent même à dresser les louanges de multinationales NASDAQuiennes du voyage, ces sociétés qui assèchent et asservissent l’économie locale. Pour les dédouaner on peut se consoler en se rappelant qu’il n’y a pas que des institutionnels qui soient prédicateurs à la solde de TripAdvisor ou autres suceurs de l’économie touristique locale : la béatitude rend heureux, pas malin !
Ailleurs ces multinationales n’ont pas atteint les sommets atteints en France. On peut trouver des tas de raisons, notamment le mensonge d’état qui consiste à attribuer à la France la 1re place (mais laquelle ?), pour expliquer cet état de fait. Peut-on réellement estimer que ces institutionnels et ce système tous deux payés par l’impôt ne portent pas une lourde part de responsabilité dans ce fiasco ? Quand on additionne ceci au fait que ces multinationales assèchent les entreprises françaises et s’exonèrent de l’impôt français, on prend pleinement conscience de l’ampleur du désastre de l’abus du dogme de l’institutionnel Made-in-France.
La dérive Booking.com
A force d’entendre nombre d’institutionnels louer les services de ces multinationales, en voici qui sont maintenant tentés d’utiliser les services de Booking.com. Ces OT vont pouvoir percevoir des commissions, vont pouvoir se laver les mains et surtout se taper la bedaine du travail accompli.
Des noms ? L’OT de la ville de Bordeaux a déjà bien avancé sur le sujet. Il en existe d’autres !
Atout France n’avait pas fait mieux quand une campagne avait été lancée et donnait ses clients à TUI. C’était il y a moins d’un an !
Mais quand on réalise que Booking.com ose proposer des classements autres qu’alphabétiques, avec par exemple ce classement hérétique par la QUALITE PERCUE (bouh quelle horreur !), on se dit que la vaccination du dogme de l’égalitarisme a été plus que radicale.
2.000 ans en arrière, un certain Ponce Pilate s’est lui aussi lavé les mains en faisant prendre une décision de vie ou de mort par la plèbe. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça manque singulièrement de courage politique ou de courage tout court.
On entend déjà l’argument du « New York l’a fait ». Peut-être faudrait-il regarder ces villes ayant cédé à la facilité avec un œil local. En Amérique et notamment aux Etats Unis, Booking.com pèse bien peu en comparaison à Expedia. Comme toujours dans les marchés où Booking.com subit la concurrence au lieu de la dominer, son comportement serait presque angélique et ses commissions raisonnables. A New York, y sont différents de la France :
le taux de pénétration des chaînes
le remplissage des hôtels
la taille des hôtels
l’avance technologique des hôtels
le fonctionnement des instances du tourisme
le protectionnisme pro-américain
les élus ne sont pas élus à vie
on est capable de changer radicalement de posture en très peu de temps
on sait changer ce qui ne va pas et on sait prendre des décisions parfois douloureuses
etc...
La comparaison simpliste est donc une mauvaise habitude qu’il faudrait un jouer faire cesser quand on parle de l’argent des autres.
Tous les institutionnels français sont-ils les mêmes ?
Heureusement que non. Des OT comme ceux de Cannes, Deauville ou Paris se cassent la tête depuis des années, parce que les décisions sont prises en commun AVEC les acteurs de l’économie locale, pas SANS eux ni encore moins CONTRE eux.
Certains ont tenté et construit de la technologie comme Marseille. D’autres utilisent des technologies du marché. Parmi ceux là, quelques uns se sont laissés embobiner par la sirène « Constellation Network » qui a vu beaucoup de portes institutionnelles s’ouvrir un peu vite, sans doute grâce au passé politique de son président. Chut, c’est tabou de mélanger politique, institution et copinage.
De très rares OT et instances touristiques de type dirigistes se comportent comme ils le devraient quand on parle d’argent public : en respectant la procédure des appels d’offres ou au moins en s’en inspirant quand ils en sont théoriquement dispensés !
Les entrepreneurs ont laissé faire
Pendant ce temps, pour certains trop occupés à pratiquer le sport national français du « je préserve mes acquis, le reste je m’en tape » ou pour d’autres occupés à simplement préserver du mieux possible leur quotidien au lieu de préparer leur avenir, de trop nombreux entrepreneurs du tourisme, hôteliers et restaurateurs, se sont contentés de regarder le monde changer, de voir leurs clients changer leur mode de consommation et se sont même parfois félicités de voir de si gentilles multinationales se plier en quatre pour leur piquer leurs propres clients.
Il faut dire que dans beaucoup de communes les rares sièges disponibles pour les hôteliers au sein des OT sont souvent squattés par les mêmes personnes depuis des lustres auxquels s’accrochent parfois des toiles d’araignées :). Mais quand cette soit-disant représentation ne peut aucunement participer ni influencer le vote la décision de ceux qui savent ce qui est bon pour les autres, inutile d’espérer un changement. A quand des groupes de travail paritaires ? A quand une collaboration constructive qui écoute le terrain ? A quand une réelle obligation de résultat, au moins morale ?
Pour se sortir de cette situation de monopole grandissant des OTAs, nombreux sont les petits patrons qui ont poussé leurs syndicats patronaux, UMIH en tête, à s’occuper du dossier. D’un côté on voit le tapage médiatique pro-hôteliers, mais quand on creuse un peu en lisant les commentaires des internautes à ces articles, on se rend compte du profond décalage entre ce que veulent les gens dont certains sont quand même clients et ce que racontent les syndicats. Comme le disait récemment un magazine, Les syndicats servent-ils à quelque chose ?. Et on ne peut pas dire que les syndicats patronaux soient moins sclérosés que les syndicats de salariés...
La seule véritable initiative crédible et qui vienne de la base s’appelle Fairbooking : plus de 1.000 hôteliers en quelques semaines dont hélas quelques très rares brebis galeuses qui ne respectent pas leur engagement d’en donner plus pour le même prix. Il n’y a guère que l’APIIH qui ait mis la main à la poche pour aider, les autres syndicats soutiennent plutôt mollement ou susurrent du bout des lèvres que c’est peut être pas si mal mais s’abstiennent de soutenir réellement avec ce qui fait marcher l’économie : de l’ARGENT.
Keskonfé ?
Ce n’est pas parce qu’on a laissé faire qu’il faut continuer ! Pour changer la donne, le plus important c’est de le vouloir.
Le client par nature volatile et infidèle se fout bien de savoir qui fait quoi, qui paie l’impôt, qui paupérise l’économie locale. Ce qu’il veut c’est pouvoir réserver simplement, rapidement et en confiance. Mais si au même prix et même facilité on peut flatter son côté « généreux » en lui donnant la sensation d’avoir agi en consommateur « équitable », pourquoi s’en priver ?
En 20 ans, le web a fait et défait des colosses. Des colosses de 2013 n’existaient pas il y a 10 ans (Facebook est né en février 2004 !). Des colosses d’hier ont perdu de leur suprématie. Le web a vu se créer de nouvelles entreprises qui ont régulé ce que d’autres entreprises du web ont mis en place sauvagement. Etc...
Dans le tourisme, le web était censé désintermédier. Au contraire on a vu de plus en plus d’acteurs venir s’intercaler entre les 2 seules entités réellement indispensables : le client d’une part, l’hôtelier d’autre part. L’hôtellerie a un avantage que n’ont pas les marchands « normaux » : le client y couche !
Les solutions pérennes et surtout économiquement raisonnables consistent en une véritable et durable réduction de ces intermédiaires. Quand on se souvient que les multinationales NASDAQuiennes donnent souvent 40 % de leur CA à leurs actionnaires, supprimer la case actionnaire revient à faire baisser un 17 % en 10,2 % ! En rognant intelligemment sur des postes de gaspillage, il y a moyen de faire passer ces 17 % en 6 ou 7 % ou même moins en fonction des lieux.
Ceci suppose que les hôteliers se mobilisent, qu’ils se fédèrent, qu’ils cessent d’être égoïstes, qu’ils se donnent les moyens de créer des alternatives crédibles. Ceci suppose également que les hôteliers d’une ville et d’une région cessent de se comporter en concurrents mais plutôt en collègues.
Sur un plan marketing, les hôteliers voient les clients et peuvent évangéliser leurs alternatives. Aucun OTA ne peut en dire autant !
Côté technologie, jamais elle n’a été aussi facile à créer, facile à utiliser. Trouver les bons développeurs n’est qu’une question d’argent et de volonté, rien de plus.
Les hôteliers seuls ou avec les institutionnels ?
Plus les institutionnels "vintage" sont impliqués dans un dossier et plus le risque d’échec est exponentiel. Se reposer sur les institutionnels « vintages » pour créer ces alternatives revient à jeter de l’argent par les fenêtres, ce qu’ils ne manqueront pas de faire direz-vous :). Combien d’entre eux font officiellement participer les acteurs économiques aux décisions du tourisme institutionnel, mais qui dans les faits consiste comme toujours à imposer le dirigisme politique trompeusement travesti en modèle participatif.
Les hôteliers nantais ont étudié la fréquentation des sites web de leurs hôtels et l’ont comparé aux statistiques de visites de leur OT. Ensemble, ils sont bien plus visités que l’OT. C’est donc ensemble qu’il faut travailler.
Et si pendant que les institutionnels « old school » pensent être la clé du déclin succès, les hôteliers construisaient eux même leur avenir en créant des outils que plébiscitent leurs clients ? Et si les hôteliers donnaient à ces institutionnels des outils clés-en-main, les mêmes outils que ceux qu’ils ont construit et mis en place sur leurs propres sites alternatifs ?
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