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lundi 25 septembre 2023

Disparition de la clause de parité = tsunami annoncé

 

Depuis quelques semaines, il est devenu difficile d’ouvrir un magazine sans entendre parler des conditions des méchants OTAs et tout particulièrement la parité et le taux de commission. C’est également devenu le sujet favori pour la masturbation publique de celles et ceux qui se sont emparés tardivement du sujet.

Qui a fait quoi ?

Quand on regarde côté UMIH, il a fallu attendre l’année 2012 pour voir de l’action. Certes cette action a marqué quelques coups, surtout médiatiques, mais pour lesquels il est impossible d’attribuer tout le mérite à l’UMIH. Pourtant l’UMIH avait officiellement participé à des réunions de travail organisées par des hôteliers dès 2009, sans pour autant faire évoluer le sujet, ni surtout partager le sujet qui dépasse largement le cadre des stricts adhérents de l’UMIH et concerne toute l’industrie. Ceci dit, une fois que le dossier de la TVA a tourné en véritable fiasco, il a bien fallu trouver un sujet médiatique auquel se rattraper.

Côté SYNHORCAT, on a pas attendu 2012 pour commencer à s’agiter puisque l’assignation de Tripadvisor, Hotels.com et Expedia date d’avril 2010. Et avant cette assignation, le SYNHORCAT avait déjà réalisé un énorme travail de fonds et de recherche juridique qui avait d’ailleurs aidé les hôteliers réunis à mieux appréhender le sujet dans leurs réunions de 2009 et 2010. Côté SYNHORCAT, les communiqués osent même mentionner « en collaboration avec d’autres organisations syndicales » ce qui dans le monde syndical du culte stalinien de la personnalité est un très grave pêché.

A ces réunions avaient également participé la CPIH et la FAGIHT. Étant peu représentatifs en hôtellerie, ces deux syndicats avaient avant tout écouté et soutenu le discours. À l’époque l’APIIH n’existait pas encore. Depuis l’APIIH a cependant largement aidé au développement de ReservationEnDirect et Fairbooking. Il faut rappeler que l’APIIH ne dispose au sens légal d’aucune représentativité, ce qui l’empêche de facto d’être convié aux tables de négociations ni même à FHE. Son tout nouveau rapprochement de la CPIH devrait donc donner la légitimité à sa branche hôtelière tout en se complétant mutuellement et assez harmonieusement avec la CPIH.

Quant à ReservationEnDirect qui comporte le maillon Fairbooking, il est bon de se rappeler que son président était un des instigateurs des réunions de travail de 2009 et 2010 et qui n’ont conduit à rien de concret à l’époque faute de moyens que les syndicats avaient dans leur ensemble pourtant promis d’apporter, notamment financier grâce aux fonds de l’association Hôtellerie & Libertés, vestige de l’époque des prix bloqués.

Et depuis environ 18 mois, concomitamment au réveil bruyant de l’UMIH on a vu fleurir une myriade d’experts, d’études dont la méthodologie quand elle est publiée n’est pas toujours représentative, d’avis, de billets, d’articles, d’humeurs, de tweets, de messages, d’ouvrages, avec suprême privilège de la science fraîchement acquise l’interview sur des salons ou dans la presse généraliste.

Entre les études qui ne publient pas leur méthodologie et celles qui écartent les hôtels non classés, comme si le nouveau classement hôtelier était universellement reconnu et adopté, on a simplement poursuivi la bonne vieille méthode de l’enfonçage de portes ouvertes. Si on devait organiser un concours télé du meilleur enfonceur de portes ouvertes, il y aurait la queue pour la séance de masturbation publique et l’étalage d’égos.

Dire que le volume de réservations qui passent par les OTAs augmente est logique et naturel eu regard à la présence virtuelle que Google leur concocte aux petits oignons à peine salés. Il suffit de regarder les bilans des entreprises hôtelières pour s’en rendre compte.

Quelles avancées

On se gausse partout de l’avis de la CEPC (Commission d’examen des pratiques commerciales) et qui est composée très majoritairement (74 %) de gens qui viennent de la distribution, de l’habillement, de l’agriculture, de l’automobile, de l’alimentation, de l’industrie, etc... et un seul membre mais suppléant de la FEVAD (Fédération du E-commerce et de la Vente à distance). A ces membres on ajoute une pincée de politique, un zeste d’administration, un soupçon de justice et deux professeurs d’université en tant que « personnalités qualifiées ».

Avec la représentante de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et le représentant de la DGCIS (Direction de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services), il y a au moins trois personnes qui comprennent un minimum les enjeux juridiques du E-commerce. Personne pour le tourisme qui est pourtant censé être un des premiers secteurs quand on parle de PIB français !

Quant aux travaux de la CEPC, les avis et recommandations rendus sont purement consultatifs. Il n’y a guère que le rapport annuel d’activité qui est transmis au gouvernement et aux assemblées parlementaires. Son impact est verbal et limité alors que celui de l’Autorité de la Concurrence peut être contraignant.

Et que dit le texte :

Vu la lettre enregistrée le 12 juin 2012 sous le numéro 12-08, par laquelle plusieurs organisations représentatives des professionnels de l’hôtellerie demandent l’avis de la CEPC sur la conformité au droit de la concurrence de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière.
.../...
Conclusion :
En dépit de la combinaison d’une clause de désignation d’une loi étrangère et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère, le droit français des pratiques restrictives et, plus précisément l’article L. 442-6 du code de commerce, reste applicable, à tout le moins, lorsque l’action sur son fondement est intentée par le ministre de l’Économie faisant usage des prérogatives prévues à l’article L. 442-6-III du code de commerce.

L’examen de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière fait apparaître que :
 les clauses dites de parité, prévoyant un alignement automatique de différentes conditions consenties à des concurrents, sont contraires à l’article L. 442-6-II- d du code de commerce et sont expressément frappées de nullité par cette disposition
 Plusieurs stipulations contractuelles, qu’il s’agisse de limiter à différents titres la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle, de le soumettre à des conditions de règlement nettement défavorables, d’alléger très nettement la responsabilité des centrales de réservation, de conférer à ces dernières un pouvoir laissant l’exécution ou la continuation du contrat à leur entière discrétion, sont dépourvues de réciprocité et de contrepartie. Figurant dans des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation, ces stipulations créent, à tout le moins par leur accumulation, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En raison de leur contrariété à l’article L. 442-6 –I-2° du code de commerce, elles encourent la nullité sur le fondement du droit commun.
 Par ailleurs, la possibilité contractuellement aménagées au profit du seul OTA de modifier le contrat, sous peine de pouvoir résilier celui-ci, est susceptible, selon l’utilisation faite de cette prérogative, de contrevenir à la disposition énoncée à l’article L. 442-6-I-4° du code de commerce.
 Les stipulations relatives au délai de préavis et à diverses possibilités de résiliation à effet immédiat n’écartent pas le jeu de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce sanctionnant la rupture brutale des relations commerciales établies.

La lecture des 20 pages du rapport apporte cependant des éléments juridiques documentés et intéressants des diverses clauses « classiques » des contrats des OTAs.

Et ailleurs ?

Les autorités de la concurrence allemande et britannique ont elles aussi été saisies à propos de la parité et leur résultat devrait sans doute être sans surprise, à l’instar des premières publications de l’Autorité de la Concurrence Britannique en août 2013.

Un article tout neuf de Forbes pose d’ailleurs de bonnes remarques sur la différence entre l’entente sur les prix et la présence d’un marché parfaitement concurrentiel : les prix sont les mêmes, sans qu’on puisse au premier regard en déterminer le motif, sauf que l’entente sur les prix peut coûter jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises fautives.

La parité, un faux problème

On pourrait en effet croire que la disparition de la clause de parité tarifaire va permettre au marché de se réguler. Autant la disparition de cette clause aurait eu un effet bénéfique antérieurement à la domination du marché de la réservation hôtelière par les OTAs, autant la suppression probable et tardive de cette clause par l’Autorité de la Concurrence française risque de provoquer un véritable tsunami et une guerre des prix dont les hôtels vont encore et toujours payer les pots cassés. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui les OTAs ont la main sur les clients et ne risquent pas de la perdre tant que les hôteliers n’auront pas mis en place un ou des systèmes équivalents ou innovants en termes de service rendu au consommateur.

L’Autorité anglaise de la concurrence voit par exemple d’un bon œil qu’Expedia puisse rogner sur ses propres marges pour être moins cher que le propre site de la chaîne.

Vu la position dominante de certains OTAs chez de très et sans doute trop nombreux hôteliers, la pratique va fatalement donner raison aux OTAs qui achètent à prix net pour revendre plutôt qu’à ceux qui s’engagent contractuellement à publier le prix donné par l’hôtelier : plus l’OTA sera fort dans l’hôtel et plus sa parole sera d’Évangile ! Les séances de négociation vont se durcir, c’est évident. On risque également de voir les hôtels « obligés » de choisir entre la peste et le choléra car tenir les meilleurs prix à la fois sur Booking et Expedia sera mission impossible, ce qui les rendra de facto hyper dépendants d’un seul acteur au lieu de deux aujourd’hui.

Quand on voit déjà la guerre des prix pratiqués par des petits malins de la distribution, il y a fort à parier que les OTAs type Expedia vont reprendre du poil de la bête, puisque jouer sur les prix sera autorisé. Au passage, n’hésitez pas à relire l’article « Suicide (tarifaire) en bande organisée ».

Et les autres clauses ?

Il est heureux que la CEPC ait examiné et rendu un avis motivé sur chacune des clauses des contrats des OTAs et dont beaucoup sont abusives, par exemple :

  • les droits d’utilisation de la marque, des contenus
  • les droits de déléguer ces droits à des « affiliés » dont la liste est inconnue, sans pour autant en supporter la responsabilité
  • le droit de traduire les textes sans pour autant être responsable de la traduction
  • les motifs de résiliation ou radiation
  • les clauses disproportionnées, déséquilibrées et surtout non réciproques

Il y a de ce côté une multitude de pistes à creuser pour que ces OTAs retrouvent une place légitime dans le paysage. C’est sans parler du côté fiscal qui lui aussi mérite sans aucun doute un lobbying international et uniquement international.

Conclusion

Il serait souhaitable que le Ministre de l’Économie saisisse cette opportunité qui lui est offerte de porter l’affaire devant la justice française sur tous ces points et pas uniquement sur les clauses de parité car sans disparition des autres clauses abusives, la disparition de la clause de parité pèsera encore plus sur les hôtels.

Si les syndicats hôteliers patronaux français cessaient de jouer solo et se mobilisaient unis, peut-être y aurait-il une chance de voir ce jour arriver. Mais ceci risque-t-il vraiment d’arriver ?

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    Les commentaires


    1. le 18 septembre 2013 à 17:15, par Thomas, Nuit d’un Jour

    La question de Google, de ses résultats « naturels », de sa situation de quasi-monopole, de la mise en valeur de ses propres produits, de la mise en valeur de ses gros clients doit aussi se poser maintenant.
    Google est devenu la porte d’entrée de nos établissements. Doit-t’elle être contrôlée et manipulée de la sorte ?

    2. le 18 septembre 2013 à 18:41, par TH

    Si on part sur le sujet Google, on peut en parler des heures :)
    Google ne contrôle pas les hôtels. Google contrôle TOUT et Google pactise avec les NSA et autres structures gouvernementales.
    Tant qu’il n’y aura pas une vraie mobilisation mondiale, Google va continuer à faire la pluie et le beau temps et à imposer son modèle parfait.
    Souvenez-vous de celui qui a été nommé à la tête de l’ingénierie de Google (cf. newsletter du 11/2). Rien que de savoir que cet olibrius pilote l’ingénierie fait froid dans le dos !

    3. le 19 septembre 2013 à 08:23, par jerome

    Ah ben la, je veux bien bosser avec booking :
    je rajoute simplement leur commission sur mes tarifs en direct dans mes prix affichés sur leur site.

    4. le 19 septembre 2013 à 08:46, par Valérie Billod

    Cette modification dans la parité signifie aussi que l’hôtelier va enfin pourvoir vendre, sur son propre site, à un tarif en deçà de celui de son contingent booking ou expedia. Et c’est plutôt une très bonne chose !
    Le problème étant, comme vous l’avez signalé, que les hôteliers vont devoir travailler dur et très vite et en nombre, pour s’offrir autant de visibilité que ces vendeurs en ligne... Et à moins d’avoir au sein de votre équipe de réservation, quelqu’un qui passe la moitié de sa journée à créer des packages, à mettre votre propre site de réservation à jour, à modifier les contenus...etc... pour vous faire gagner en visibilité, il va être difficile de les battre.
    Il faudrait que les clients apprennent à utiliser ces sites comme des annuaires... Qui leur donne toutes les infos sur les hôtels présents dans la ville/région dans lequel ils vont... et ensuite faire leur réservation en direct avec l’hôtel qu’ils ont choisi...

    5. le 19 septembre 2013 à 09:05, par TH

    On peut en effet être tenté de croire que les méchants OTAs vont laisser les gentils hôteliers vendre moins cher sur leur site officiel. Pour l’hôtelier qui travaille peu avec les OTAs oui c’est évident dans les débuts.
    Pour l’hôtelier qui travaille déjà beaucoup avec les OTAs, faudrait quand même pas prendre les OTAs pour des cruches. Il faudra que l’hôtelier choisisse entre les résas directes et les résas par OTAs, et le choix sera vite fait.
    Les OTAs disposent de plusieurs méthodes pour cela : le contrat, mais également et surtout les critères d’affichage. Si un hôtel bien classé se retrouve en fin de liste, il verra ses ventes chuter.
    Tant qu’aucune alternative n’est proposée au client final, les OTAs vont continuer à progresser. Ceci veut dire que dans un environnement moyennement ou très concurrentiel, les OTAs vont encore plus « manger » le marché. Ne pas être ou être mal placé sur les OTAs signifiera encore moins de visibilité et donc encore moins de résas tous canaux confondus.
    C’était avant qu’ils ne soient en position dominante qu’il fallait bouger le curseur légal ou répressif. Maintenant qu’ils sont bien en place, seule la mise en place d’une vraie alternative CREDIBLE pourra changer la donne, et encore faudra-t-il assumer le fait que les clients puissent faire eux même le tri et « déclasser » les mauvais hôtels. La culture franchouillarde du nivellement par le bas ne fonctionnera pas, soyez en certain(e)s !

 
 

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