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dimanche 11 juin 2023

L’union syndicale UMIH-GNC-SNRTC-GNI, mariage du loup et du canard

 

L’annonce faite jeudi du rapprochement GNC, le GNI et le SNRTC et l’UMIH a fait l’effet d’un mauvais cauchemar [1]. En prenant deux microns de recul, on se doute bien que les cocues de cette polyandrie seront les entreprises indépendantes de l’hôtellerie et/ou de la restauration, et par ricochet leurs patron(ne)s et salarié(e)s.

Le loup aimait le canard, et le canard aimait le loup.
Monstrueux ! dites-vous. Pourquoi cela ?
Avez-vous donc jamais vu, dans les foires, le produit incestueux de la carpe et du lapin ?

Alphonse Allais, Deux et deux font cinq

 

Qui sont les 4 larrons ?

Impossible d’illustrer l’incongruité de cette union sans rappeler qui représente qui.

Représentativité constatée au JO en 2018
% des entreprises CHR adhérentes à une OP représentative
% des salariés des entreprises adhérentes à une OP représentative
UMIH
71,53%
50,31%
GNC
2,24%
9,68%
SNRTC
2,45%
10,01%
GNI
23,78%
30%

Le GNI, Groupement National des Indépendants

Commençons par le seul syndicat patronal des CHR qui à ce jour représente par conviction et dans les faits les entrepreneurs indépendants.

Le GNI est né en 2014 de la fusion de 4 syndicats patronaux français des CHR :

  • le SYNHORCAT, ce syndicat dont les opposants disaient que ses adhérents ne dépassaient pas les maréchaux (les boulevards parisiens NDLR)
  • la FAGIHT, un syndicat représentant beaucoup d’entreprises saisonnières
  • l’APIIH, le syndicat dissident de l’UMIH né à la suite du putsch de vieux mâles umihesques contre leur présidente et grande professionnelle Christine Pujol en 2009 à Nantes
  • la CPIH, le syndicat qui après avoir annoncé rejoindre le GNI rejoignait finalement l’UMIH

Le site web du GNI ne diffuse aucune information sur la composition de ses instances dirigeantes. On attend pourtant des syndicats un peu de transparence...

Le SNRTC, Syndicat National de la Restauration Thématique et Commerciale

Le SNRTC est né en 2005 de l’initiative de plusieurs présidents de chaînes de restauration commerciale avec service à table.

Ses membres sont des chaînes de restauration : SODEXHO, Courtepaille, La Boucherie, Buffalo Grill, Groupe Bertrand, Pizza Pai...

Le SNRTC est un syndicat associé à l’UMIH. Il figure pourtant de manière indépendante au JO en tant qu’instance représentative.

Le GNC, Groupement national des Chaînes

Né en 1989, le GNC représente les chaînes Accor, Areas, Louvre, Balladins, Choice, B&B Hôtels, Hilton, Hyatt, LFPI, Maranatha, Le Méridien, Millenium, Tonic Hôtel et Brithotel. Le GNC a pour objectif de représenter ses adhérents au niveau régional, national et européen et de promouvoir les intérêts professionnels de ses adhérents.

Le GNC est un syndicat associé à l’UMIH. Il figure pourtant de manière indépendante au JO en tant qu’instance représentative.

L’UMIH, Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie

Auparavant nommée Fédération Nationale de l’Industrie Hôtelière, rebaptisée UMIH en 2000, née en 1947 de la fusion de la « Fédération des cafetiers restaurateurs » née en 1892 et de la « Chambre nationale de l’hôtellerie » née en 1917.

La structure de l’UMIH est lourde avec 106 fédérations départementales, des syndicats associés (GNC, SNRTC, SNRPO - Syndicat National de la Restauration Publique Organisée, CSLMF (Ex CSCAD) - Chambre Syndicale des lieux musicaux festifs et nocturnes), des structures interdépartementales UMIH Prestige, SNEG & Co et UMIH Bowling-Loisirs.

Son directoire est composé de 13 membres présidents de branches et de membres désignés. Nombreux parmi ces membres étaient présents ou ont participé au putsch de 2009. 12 hommes et 1 seule femme de droit car Présidente du Syndicat National de la Restauration Publique Organisée (SNRPO).

Le « patron » de la branche hôtellerie ne fait pas l’unanimité en dehors de ses rangs, cf. le consensus européen contre Laurent Duc à l’HOTREC en 2014 où il n’a pas été réélu depuis lors.

Au final

Le GNC et le SNRTC sont très exhaustifs pour ne pas dire unanimes dans leurs secteurs respectifs. En effet, les groupes ont bien compris et à raison l’intérêt de se regrouper et de mener des actions coordonnées de lobbying. Ce sont les indépendants qui n’ont pas compris l’intérêt de se regrouper. Dommage car les indépendants ensemble pèsent bien plus lourd que les chaînes réunies... tant en nombre d’entreprises, qu’en chiffre d’affaires cumulé ou en salariés.

L’UMIH clame défendre les indépendants alors que ses actes préservent avant tout les intérêts de ses « associés », le GNC pour les chaînes hôtelières et le SNRTC pour les chaînes de restauration.

Pour faire passer la couleuvre, l’UMIH et le GNI annoncent le renouvellement de leurs dirigeants concomitamment à ce regroupement, en 2022. Comment espérer que les ennemis d’hier deviennent les meilleurs amis du monde ? Comment espérer que des barons changent de comportement d’un coup de baguette magique et partagent leur baronnie ?

Quant à l’engagement contre les abus des plateformes et OTAs, on ne peut manifestement pas dire que l’UMIH a été moteur sur le sujet, ce qui n’a jamais empêché ses dirigeants de fanfaronner. Il faut dire que les chaînes et Accor en particulier ont négocié des contrats beaucoup plus favorables que ceux des indépendants, et qu’il est dans leur intérêt de laisser les indépendants patauger. La seule entité à avoir toujours été constante sur le sujet du web a été le SYNHORCAT devenu GNI, soit en direct contre Expedia ou Booking, soit par le biais de l’AhTOP sur le sujet AirBnB.

 

Accor, grand maître de cérémonie...

Remonter à l’avènement des nouvelles normes hôtelières permet de se rappeler du poids phénoménal d’Accor dans cette aventure et surtout de l’absence de contrepoids : le poids théorique de l’UMIH aurait du rééquilibrer, sauf que les liens avec le GNC l’ont empêché de parler au nom des établissements indépendants. D’un coup de baguette magique, un IBIS usé à la corde s’est retrouvé propulsé 3 étoiles sans avoir investi un kopeck. En face, un château historiquement classé 4* ne pouvait plus y prétendre sous prétexte qu’il n’avait ni ascenseur ni climatisation... Comment espérer que les normes représentent un intérêt aux yeux du client si les critères OBJECTIFS d’accueil et de propreté ne sont pas mesurés ou si un 4* réputé devient 3* comme n’importe quel Ibis ?

Les différentes normes concernant la sécurité incendie et l’accessibilité ont été peu combattues : un hôtel récent et de chaîne était déjà prêt ou quasiment prêt. Par contre les indépendants ont été très gravement pénalisés sur le plan financier par ces normes s’appliquant pour certaines sans discernement et de manière mécanique sans tenir compte du contexte, par exemple en obligeant l’encloisonnement d’un escalier en pierre alors qu’en cas d’incendie la seule et unique chose qui résisterait serait cet escalier...

En l’occurrence, le groupe Accor a toujours joué sa partition et on ne peut pas vraiment leur reprocher d’avoir tenté de peser sur certaines avancées législatives ou règlementaires, ou d’avoir tenté d’étouffer les contestations.

Si les indépendants n’ont jamais fait le poids malgré leur nombre jusqu’à maintenant, qu’est ce qui va changer à l’occasion de cette crise dont Accor pourrait bien évidemment profiter pour handicaper l’hôtellerie indépendante et rafler la mise en sortie de crise ?

Accor sait négocier directement avec le gouvernement quand ça l’arrange :

 

Les tentatives précédentes

On se souvient du début d’année 2013 où naissait la French Hospitality in Europe censée représenter la parole unique de ses 5 membres (SYNHORCAT, UMIH, CPIH, APIIH, FAGIHT) dans le cadre de l’HOTREC et dont le SYNHORCAT et la FAGIHT se désolidarisaient en octobre 2013.

 

Le besoin de collaboration est réel, mais ponctuel

Ce n’est pas parce que les adhérents de ces syndicats ont des intérêts divergents qu’ils ne doivent pas collaborer sur les sujets qui les concernent tous.

Tout particulièrement en période Covid, quelques sujets sont transverses et il est ahurissant qu’il ait fallu attendre cette pandémie pour que ces 4 syndicats se mettent enfin à parler d’une seule voix au gouvernement et surtout s’expriment d’une seule voix à la presse sur les sujets qui les rassemblent.

Ces sujets, aussi urgents soient-ils aujourd’hui, ne transformeront jamais ces quatre larrons en meilleurs amis du monde ! N’oublions pas les enjeux :

1
Passer la crise : être unis est essentiel
2
Reconstruire le tourisme après la crise : réaffirmer ses différences sera essentiel

 

Conclusion

Dans cette période trouble où Accor accède directement au gouvernement quand ça l’arrange et fait semblant de nager dans la même piscine que les autres hôteliers à d’autres moments, il ne fait aucun doute que les intérêts du groupe Accor seront privilégiés dans cette union hétéroclite.

Comment concilier les intérêts d’entrepreneurs indépendants dont beaucoup sont artisans au sens noble, employant peu ou pas de salariés mais faisant vivre leur tissu local, avec ceux purement financiers de groupes impersonnels répondants à des investisseurs internationaux ayant tous pour vocation de concentrer le marché et de réduire la concurrence ?

En d’autres termes, est-il raisonnable de sacrifier l’hôtellerie indépendante face à Accor et Louvre, ou la restauration indépendante face aux groupes de restauration ?

Le côté réconfortant, c’est qu’une opportunité s’ouvre pour qu’une nouvelle entité défende vraiment les indépendants... et qu’ils s’y regroupent, ce qui est moins sur.

Les mots réécrits par Patrick Schulmann Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, la syphilis dure toute la vie [2] semblent plus appropriés que ceux de la version originale de la Nouvelle Célestine de Jean-Pierre Claris de Florian Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie .

#sortezcouvert

 

[1Le pléonasme s’impose tant l’annonce est baroque

[2disait une prostituée dans le film Et la tendresse ? Bordel ! en 1979

 
 
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